Ecrit le 17.09.05 à 14h00
Voila, c'est fait. J'ai démissionné.
Un mélange entre soulagement et regret.
Surtout face à mes collègues de BTS, lorsque le dirlo leur a annoncé la nouvelle. Ils ne pensaient pas vraiment que j'allais le faire, ils me disaient :
-" T'es sure que tu seras mieux là bas? Non Dine, ne pars pas...."
-" Sans toi ça va faire vide, tu vas tous nous manquer tu sais..."
C'était bien la première fois où les gens allaient me regretter.....et quand ils ont tous poussé un cri de désapprobation à l'entente de mon départ définitif, mon cœur s'est fendu en trois. Je quitte la seule classe qui m'aura acceptée telle que je suis.....une petite fifille avec son humour ronchon, ses excès de folie, et ses chansons des années cloclo qu'elle reprend à tue-tête à longueur de journée. Quoi, je m'amusais bien à me balader avec ma chemise sur la tête ou des pailles coincées dans les cheveux...
Ca va peut-être me manquer à moi aussi, cette ambiance.
Même que le pion était trop craquant, et que j'étais la seule pour qui il avait retenu mon prénom et mon nom de famille....comment je frimais trop devant les autres. De toutes façons, quand je suis partie, on l'a bien dit.....s'ils font des soirées, qu'ils ne m'oublient pas, je serais toujours présente dans les limites de ma disponibilité.
C'est fou comme on peut s'attacher aux gens en l'espace de seulement deux semaines.
Et le dirlo qui vient dans notre classe pour s’enfiler sur la tête ce grand sac de vêtement....on aurait dit une grosse patate, à gesticuler comme il le faisait.
Je me souviendrai de tous ces moments, promis.
Il m'a bien aidé, le dirlo. C'est même lui qui a appelé la fac pour les doutes concernant mon diplôme. Enfin....essayé d'appeler, plutôt. Le répondeur à la voix féminine qu'on fini par connaitre par cœur....
-" Tu vois, c'est important de rester patient, sinon on n'arrive à rien." me dit-il, self contrôle.
Pour finalement, au bout de la sixième tentative, raccrocher le combiné en sortant son plus beau :
-" Connasse."
Puis après, plan d'approche de son ordinateur à qui il parle comme à un humain:
-" Mais tu vas comprendre oui!"
-" Là, là je te le mets, voilà, t'es content?"
A s'acharner sur le mot de passe de démarrage de Windows. A appuyer de toute sa force sur son clavier, à faire pour le coup 838977 fois le même chiffre, parce qu'il reste appuyé sur la touche des heures. Et moi, entre deux pouffements de rire :
-" Vous savez, faut y aller doucement....sinon, vous n’y arriverez jamais."
5 minutes pour lancer Windows. J'avais envie de le pousser pour me mettre devant l'écran et enchainer les manips à sa place mais je ne suis pas le directeur, après tout. Qu'il se démerde. Mais quand même, à le voir cliquer 20 000 fois sur la même fenêtre....
-" Mais bon sang, tu vas t'afficher oui!"
Alors qu'à chaque fois qu'il cliquait, une nouvelle fenêtre s'ouvrait, réduite dans la barre des taches....A la fin, celle ci était totalement encombrée par toutes ces pages, qu'il a du fermer unes à unes. Autant vous dire que c'était épique....
Néanmoins, je suis heureuse d'être partie. Je me sens, comment dire....
Libre.
Détachée de toutes ces chaines qui m'encombraient l'esprit. Je respire enfin .... la joie de faire ce qui est en accord avec moi même. Haaa....vous pouvez pas savoir comme je me sens légère. J'ai même à des moments, hâte d'être au lendemain. Rencontrer tous ces gens, dont je ne connaitrais pas le prénom. Et évoluer, dans un grand espace. Avec des millions de possibilités d'interactions. Que dis-je....une infinité.
Ai fait un tour à la fac, pour des raisons administratives. Me suis fait guider par téléphone par ma copine de BTS, ancienne étudiante en Arts Plastiques pour trouver la salle.
On monte les escaliers. Tout droit, à gauche. Tout droit à gauche, on monte. A gauche, tout droit. Tout droit a gauche et tout droit. Puis tout droit, prendre à gauche et tout droit. Encore tout droit.
Enfin, j'ai jamais tourné à droite quoi. Bizarre comme truc.
Bon évidemment, la femme elle commence à parler trois heures pour finalement se rendre compte que ce n'était pas à ce bureau-ci que je devais m'adresser. Mais vous devez connaitre l'histoire, vous, étudiants. C'est à chaque fois pareil.
Bref, je redescends tout, je me retrouve à l'ouest de l'entrée principale mais c'est pas grave, je gère. Puis là je rentre dans un boui-boui, faut prendre un ticket et attendre son tour, j'ai l'impression d'être à la banque. Ma copine au tel m'avait dit :
- Dans les bureaux c'est la guerre, faut que t'attende devant la porte sinon tout le monde te double sans gène."
Bon ok, message reçu. Bizarrement, je suis la seule à être devant la porte....heuuu c'est normal?
Les étudiants viennent me demander des renseignements, juste à moi steuplé. Et je sais pas ce qui me prend, je fais la fille qui connait tout, hop je règle les problèmes en deux temps trois mouvements, ça y est je suis mature ! Je me suis même fait pote avec les secrétaires, trop la classe. Je ne sais pas....je sens que je vais être bien, ici. Une intuition, comme ça.
J'ai déjà des repères, et mon regard qui valse avec envie et admiration. On m'a rarement dit du bien de la fac. Et pourtant, c'est là que j'ai choisi d'aller. Je me suis même remise longtemps en question. Puis en traversant le portail de sortie, le représentant des magazines pour étudiant s'est avancé vers moi avec le sourire. J'ai pensé: "merde, je suis pressée..." mais il m'a abordé quand même, le salaud. Il a commencé à me faire son speech, puis il s'est arrêté quelques secondes :
-" On ne s'est pas déjà vu quelque part?"
-" Je ne crois pas, non."
Et il a recommencé à me parler des bouquins.
-" Tu es peut être déjà abonnée?"
-" Non"
-" Ou tu connais déjà certains titres..."
-" Non."
-" Tu les as peut être déjà feuilletés ou lus?"
-" Non."
-" Et tu ne voudrais pas profiter de l'occasion pour changer cette fâcheuse habitude?"
-" Non."
Mais il m'a quand même fait m'asseoir à son stand. Il se débrouille bien, le petiot. Et il parle beaucoup. Il m'explique en gros qu'en fac, tout le monde s'en fout de notre tronche, parce qu'on est à 300% trop d'élèves, qu'ils n'attendent que les démissions et que c'est pas pour rien qu'il n'y a que 30% de réussite en première année. Puis il enchaine sur l'importance de lire et se documenter, mais j'insiste :
-" Je ne lis pas tous ces trucs...."
-" ...ça s'appelle magazines."
-" Ouais, trucs...c'est bien représentatif de l'intérêt que je leur porte...."
Mais il ne me lâche pas pour autant. C'est coriace, un étudiant qui veut vendre son produit. Il commence à me sortir un tas de blagues minutieusement calées au milieu de ses phrases. Je ne peux m'empêcher de rire à gorge déployée. Il est en fac d'Histoire. Et j'en viens à penser que s'ils sont tous comme lui, je ne vais pas pouvoir m'ennuyer une seule seconde. Bref finalement on parle de plein de trucs, je finis par lui avouer que je fais du piano, lorsqu’il s’exclame :
-« Bah voilà, le pianiste ! C’est une revue géniale ! »
N’oublions pas ce à quoi nous nous sommes fixés, hein ?
Et voilà qu'il commence à me vanter les talents du magazine, sa richesse de documentation, ses partitions....
-" Et....vous n'auriez pas un exemplaire à me montrer?"
-" Non....les musicos sont toujours dénigrés dans ce genre de stand!"
-" Bon puisque c'est comme ça..."
Je fais semblant de me lever, indignée....mais je me rassois, deux secondes plus tard.
-" Tu peux toujours aller sur leur site internet te renseigner! Sinon je suis ici jusqu'à la rentrée.....ah et puis si tu changes d'avis, je te file mon numéro de représentant commercial sur ce joli bout de papier bleu que je m'apprête à déchirer..."
Hein?
Tu vas me dire que tu as un numéro spécial, exprès pour la clientèle de tes piteux magazines? Dis-moi plutôt que tu me refiles ton portable parce que tu veux me revoir et puis basta! (vous imaginez si j'étais vraiment sérieuse quand j'ai écrit la phrase juste avant?)
Il a noté son prénom au dessus du téléphone. C'est un prénom qui me rappelle de bonnes personnes.
Je vais peut-être m'abonner, finalement.