Il est arrivé par le passé que certaines personnes presque prédestinées à être aimées venaient me poursuivre dans mes rêves des nuits d’affilées, durant des mois voire des années. Aujourd’hui c’est l’amour qui me poursuit. Comme un stalker. Epiant mes faits et gestes, me laissant des signes au cours de sa route pour que je sache qu’il est là, qu’il me surveille, qu’il est derrière chacun de mes pas prêt à bondir sur l’occasion.
Je me souviens un de ces matins où je n’étais pas tombée amoureuse dans un songe, soulagée par cette rupture de la routine, j’avais repensé à ce rêve c’était un indien d’Amérique qui animait des stages de percussions corporelles je m’étais retrouvée en face de lui à la fin d’un cours, une feuille de papier entre nous il me faisait tenir le crayon avec lui et je sentais les lettres qui se dessinaient à l’envers, l’indien y écrivait son prénom et le temps que je renverse le mot pour comprendre, il s’appelait Kiero.
Te quiero.
Car c’est cela. Je ne peux empêcher mon mental de vivre et revivre un émoi fleurissant. Ce qui change l’ordinaire, c’est que cette fois-ci, même en rêve, on me le rend. On m’aime. Parfois même plus que la réciproque. Les hommes sont fous épris, complètement gagas et me regardent avec des yeux ébahis. Parfois, c’est simplement discret et subtil, une lueur, un geste, qui définit l’élargissement du temps qui parvient à sa fin, égale à elle-même, d’un sentiment qui se partage.
Petit à petit, mes rêves se précisent et laissent échapper un sens qui peut se résoudre.
Cette nuit, je ne parviens à compter le nombre de fois où j’ai vécu l’histoire.
Parmi elles, deux m’ont marquée.
La première, parce que dans mon rêve, je vivais la passion. Je la vivais d’une manière intellectuelle en la comparant avec ma relation d’aujourd’hui. Ma relation d’aujourd’hui, c’était Blues qui était revenu changé et muri, symbolisant là Newton dans la vie éveillée.
Or, je rencontrais un gars d'une attirance monstre par l’intermédiaire de Rom. Très vite au cours de cette soirée dansante mi coin du feu, mi party aux lumières psychédéliques, nous avons senti tous deux un truc irrésistible qui nous rapprochait. J’ai fini par embrasser ce garçon inconnu, c’était plus fort que moi, tout mon corps en avait envie je me suis dit "c’est cela la passion", c’est cet effet "malgré moi" sans réelles raisons, la conviction que les êtres ensemble fusionnent sans en avoir la véritable preuve. Je l’ai embrassé c’était très fort mais j’ai essayé de me dégager de lui ensuite en réfléchissant à l’homme avec qui j’étais et tous les projets communs qui nous liaient l’un à l’autre, en pensant que j’avais auprès de moi quelqu’un de bien qui m’aimait pour ce que j’étais et sur qui l’on pouvait compter. Mais qui dans le présent rivalisait peu avec l’attirance qui m’aimantait à l’inconnu. J’ai alors demandé sincèrement à ce dernier qui avait l’air tout comme moi bouleversé par la rencontre, s’il était prêt à construire et engager sa vie auprès de la mienne. Qu’en voulant s’enfuir avec moi, il me faisait renoncer à la relation harmonieuse que j’avais déjà et s’il était capable de me donner au moins autant de bien-être et sérénité à son contact, s’il avait envie de me rendre heureuse faire des concessions pour moi en répondant aux attentes d’un couple c’est-à-dire ne pas penser qu’à sa gueule, ne pas penser qu’en terme de "on est bien là ça suffit" parce qu’à moi, ça ne suffisait pas. Que s’il n’était pas prêt à tout ça en effeuillant mon corps, mon corps ne lui appartiendrait pas.
Il a dit qu’il fallait qu’il y réfléchisse en se décollant difficilement de mon être et c’était déjà une déchirure d’avoir osé lui parler de la sorte. Puis, une action en menant une autre ne finissant que par se croiser, nous nous sommes perdus de vue. J’ai alors pensé, non sans une petite amertume, que ça devait être pour le mieux.
J’en ai conclu que j’avais désormais rompu avec la passion.
Dans cette même nuit mais dans un autre rêve, j’apercevais cette fois-ci Grand Fou au loin. Je venais de déménager avec ma mère et quelle ne fut pas ma surprise de le savoir trainant dans cette ville nouvelle. La plupart du temps, j’observais sa crinière se balader dans le grand parc naturel aux allures de collines et un beau jour, ne souhaitant plus le manquer, je décidais de pister sa trace et lui faire part de mon existence proche de la sienne. Le voyant qui montait la colline par la droite, je choisis de prendre le chemin de gauche pensant que nos voies respectives finiraient indubitablement par se croiser. Mais au lieu de suivre le sentier en slalom et pour gagner du temps, je monte la pente raide me fichant des chemins. Les arbres taillant les allées je finis quand même par être obligée de les emprunter en pleine foret. Je me dépêchais de courir dans la direction de Grand Fou, des cyclistes en grand nombre me coupant le trajet. Je me faufilais à travers une brigade de policier, le sentier se rétrécissant, je croisais des soldats armés, courant toujours à l’opposé de moi lorsqu'à une intersection la vue se dégageant nos regards se trouvèrent.
Il fut dans un premier temps surpris, il était avec des connaissances discuter sur les bancs au sommet de la colline la vue imprenable sur la ville je me suis incrustée. Je sentais bien que personne ne m’avait donné son approbation mais je continuais à entretenir les conversations jusqu’à plus ou moins m’y intégrer. Grand Fou ne disait toujours rien, assis à l’écart du groupe, lorsqu’il me jeta à la figure son coup d'œil perçant et un peu noir qui disait "mais pourquoi t’es là et qu’est-ce que tu veux de moi". En réponse, je l’ai fixé aussi, longtemps à l’intérieur, puis je me suis mise à loucher de ma plus belle grimace qu’il n'a pu s'empêcher de s’éclaffer de rire. J’ai continué comme ça à le faire se marrer, jusqu'à ce qu’il prit ma main pour m’entrainer dans la foret s’éloigner de la populace. Dans un coin parmi les arbres il s’arrêta pour me serrer dans ses bras et ne plus me lâcher. C’était une étreinte pleine de tendresse relâchée pour l’occasion, comme s'il s’était retenu jusqu'à présent, il m'étreignait contre lui en signe de renoncement, d’un "tant pis tu as gagné mon cœur", finalement. Il frottait son visage contre ma nuque, fragile et nu, complètement ouvert, et ma main faisait des vas-et-viens le long de sa colonne vertébrale.
On est resté enlacés ça m’a paru des années, à se câliner, se sourire, puis la complicité se formant dans un miracle, on s’est mis à parler comme si on se connaissait par cœur. Je lui ai demandé, mais pourquoi n’a-t-on pas fait ça plus tôt? Parce que tu ne voulais pas de moi n’est-ce pas? Il m’a répondu (trou complet…..je m’en souvenais au réveil mais la journée passant j’ai complètement oublié les raisons). On se mit à rire de l’absurde de la situation. Nous étions allongés sur le sol et toujours emmêlés l’un dans l’autre, avec toute la douceur qui le caractérise, le côté chaleureux en plus. Grand Fou voulait que l’on se revoie, le plus vite possible, ce soir peut-être. Il envisageait déjà la scène : on resterait là encore un temps à se gouter l’échine puis la nuit tombant nous rentrerions chez lui en longeant le canal sur le coucher de soleil, ce serait magnifique. Mais ma mère m’appelait sur mon portable me demander de repasser par la maison chercher les clefs toutes neuves faire un double chez le serrurier. Je dis à Grand Fou qu’il me faut partir et que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lui rendre visite ce soir. Il me donne son adresse et je file en vitesse vaquer à mon devoir.
J’arpente alors les rues inconnues mais familières de mon nouveau chez moi et tombe sur un serrurier à l’ancienne dans une belle bâtisse à l’intérieur en bois, on dirait un vieux théâtre du début XXe, peut-être avant, la banque est décorée avec des peintures un peu délavées aux sujets charmants bref, pour me faire les deux doubles pour mes deux clefs (ça fait trois fois deux ça) ils me demandent des informations personnelles comme mon identité, mon numéro de téléphone et le nom de ma rue (interdit ça normalement, non?). Je ne le connais pas par cœur, mais derrière le petit papier de ma mère qui servait à emballer les clefs à doubler, elle avait écrit "2, rue du vin rose" (et encore un deux). Je suis hésitante parce que ce nom ne me rappelle rien, j’essaie de chercher de tête, pense à un 18 rue Ledru Rollin, ou encore rue du Pape, tente d’appeler ma mère recevoir l’information de vive voix, elle me confirme la rue du vin rose, malgré tout je continue à lui lancer des "t’es sure? Il ne me semble pas que ce soit ça", puis finis par accepter l’idée.
En sortant du serrurier je me dirige avec hâte dans le quartier de Grand Fou. Longe le canal. Il y a des petits bateaux, c’est romantique, mais seule, beaucoup moins. Je suis devant sa porte. Il me semble que c’était déjà ouvert alors j’entre. Grand Fou est affalé sur un canapé vert foncé et il y a deux filles qui se resservent des verres. Il y avait hypothétiquement d’autres personnes, je ne sais plus très bien. Je me poste en face de lui, un peu ébahie, lui dit :
- « Je croyais que c’était plus ou moins notre soirée. »
- « Changement de plan, ces gens sont passés à l’improviste. » me balance-t-il à moitié enivré.
Il a l’air d’être amusé par le spectacle qui se déroule sous ses yeux. Moi, moyennement. Comme si, je n’avais plus la patience de faire ce genre de concessions. Face à l’amour.
Je tourne les talons, repars en sens inverse et arpente les rues de mon nouveau quartier en ma propre compagnie. Ce n’est pas plus mal, pensais-je. Ne pas céder.
Et c’est une autre rupture avec l’idéalisation.
Commentaires :
eveildessens
premier rêve
Je pense qu'on ne s'attache pas à quelqu'un mais plutôt à l'Amour que cette personne véhicule. Et on ne peut pas prévoir l'avenir, c'est contraire à la vie... N'est-ce pas priver l'autre de sa liberté que de lui demander ce qu'il veut donner et de s'engager? Comment s'engager sur un futur qu'on ne connait pas? Dans plein de domaines on change d'avis alors pourquoi pas en amour?
Les questions sont simplement posées pour échanger...