Ecrit le 19.03.06

Vendredi, c'étaient les journées portes ouvertes de mon ancien lycée. Alors, avec nostalgie, je m'y suis rendue. C'est bizarre, je montais les marches de ces 4 étages, voyant descendre certains élèves blablatant entre eux en pensant : ce qu'ils sont jeunes...
Ou est-ce peut-être moi qui ai changé?

Faire la bise à toutes les terminales, ex-premières de mon époque, qu'ils soient heureux de me revoir, qu'ils me demandent si je m'éclate dans la musique, puis on rit, les uns après les autres. Regarder émerger le coup de crayon de chacun. Ca alors, il ne me semblait pas aussi bien dessiner qu'eux, quand j'y étais...Et puis tous ces gens qui m'interpellent avec toujours la même rengaine : " Ray veut absolument te parler" "Ray t'attends" " Tu viens de rater Ray de peu!" "T'as croisé Ray? Il te cherche."
Et Jules qui se demande mais putain, qui est ce Ray, qu'est ce qu'il lui veut à ma Dine, elle est à moi, il
a pas intérêt à l'approcher, etc...
Puis retrouvailles de Minouch, venue sans Dave parce qu'ils s'étaient disputés juste avant de partir. Et
les profs qui nous tiennent la grappe pendant des heures, à se renseigner sur tout, à avoir la nostalgie facile...
Puis Ray avec son chapeau haut de forme qui débarque en trombe dans la salle en hurlant et pointant du doigt :
-" Tooooi !!!"
Moi, blasée :
-" Oh non, pas lui..." partant en courant me cacher derrière les chevalets, risquant de faire valser les dessins dans une folle course poursuite, foutre l'installation en ruine. Ca fait du bien, de revoir Ray. Il doit partir chez le dentiste de suite alors il m'ordonne de l'attendre une heure trente, sachant que je n'ai pas le choix, ajoute-t-il. Et Jules qui râle, et :
-"Qu'est ce que vous allez faire tous les deux dans une heure trente, hmmm?"
-" Prendre notre pied, évidemment."
Il rigole, mais pas trop. Il a l'habitude que je taquine sa jalousie compulsive. Mais il doit partir, alors il se fait du souci pour moi.
Je le raccompagne jusqu'à la sortie, puis remonte à l'exposition, passer mes une heure trente de glandage. C'est la qu'ils arrivent tous. Toute ma classe de terminale qui s'est donnée un rendez vous improvisé au 4e étage du bâtiment A, l'étage des Arts Appliqués. Quelle surprise, quelle joie! Après Minouch, Legolas, Ex, puis ceux qui n'ont pas eu l'occasion d'avoir de pseudonymes. Se dire bonjour, comme avant, le matin, pour le premier cours. Regarder Ex avec un semblant de.....d'étrangeté au cœur. Etre étonnée. Se rendre compte que la plupart....n'ont pas changé. Se sentir, à part, loin, loin des gens qui ont partagé 3 ans de votre vie. Se dire, merde, est-ce moi, ou est-ce eux? Une heure quarante d'attente, faire un rapide aller retour dans le couloir chercher Ray dans les salles. Revenir.
Plus personne.
Appeler les gens. Pas de réponse. C'est pas possible, la sortie était de mon côté, je les aurais croisés s'ils avaient décidés de partir. Sans moi.
Ils ont dû passer par derrière, là où étaient installés les cartons d'emballages, pour barricader la porte. Ils ont dû...oublier que j'existais. Oublier....que ça me faisait plaisir de les voir. Ils ont dû...aller boire un café tous ensemble, en parlant du bon vieux temps, en se souvenant des manies de chacun, en en riant, maintenant. Puis ils ont pas dû avoir envie que je vienne rire avec eux, j'aurais peut-être cassé l'ambiance. Ils n'ont pas changé.
Ils en sont restés aux mêmes conneries qu'hier. Et à la rancœur de leurs discussions.

J'ai eu un blanc au fond de la poitrine. Je me suis sentie exclue, comme avant. Comme si la guerre n'était pas encore terminée. Une guerre froide. Je n'ai pas pu m'empêcher d'accuser Ex, de me dire, s'ils sont tous partis, c'est qu'il a dû encore leur raconter des choses, les influencer. Parce que je ne voulais pas admettre. Je ne pouvais pas croire que je n'avais compté aux yeux de personne, au point qu'ils partent faire la fête sans moi, sans même se demander où j'étais passée. Je n'arrivais pas à penser que je ne servais à rien dans leur mémoire, et que durant ces trois années où ils auraient pu apprendre à me connaitre, ils n'en avaient tiré que du mépris.
Je me suis assise avec des gens d'une autre classe, histoire de ne pas rester seule, on m'a proposé de venir gouter avec le groupe. Eux qui m'invitent, des personnes que j'ai vues 3 fois dans ma vie, alors que ma propre classe ne veut pas de moi. J'ai mal.
J'aurais pas dû mettre les pieds ici. Brasser les vieilles piqures. J'ai l'impression d'être revenue à cette époque. Il y a exactement un an. Dans la merde vaseuse, et le sentiment de n'avoir ma place nulle part, où que j'aille. Incapable de me défendre. Tout encaisser en pensant, ça passera. Ce foutu mal qui ronge, et les gens qui vous prennent pour ce que vous n'êtes pas, qui vous reprochent ce que vous n'avez pas fait, qui estiment que vous n'avez pas mérité ce en quoi vous avez buché dur pour avoir. Qui dénigrent votre moi lui même. Parce qu'ils ne savent pas.
Et dire que pour les dernières portes ouvertes, j'avais fini en pleurs dans la maison folle à lier, voyant Maro partir sous mes yeux. Sans moi. Un an après, ça n'a pas vraiment changé. Pas les mêmes personnes qui partent mais au fond, c'est guère mieux.

Et zut, ça fait deux heures trente que je poirote. Et Ray, qui n'est toujours pas arrivé...