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Manuel insistant pour un baiser
--> De Bologne à Seville

-« Et si tu venais en Andalousie avec moi ? »
Manuel qui lance des propositions hasardeuses avant de raccrocher le téléphone. Les hommes sont indécis et imprécis, décidemment.

J’hésite. Entre Poubelle qui me rabâche des « lance toi fais des folies de ton corps on n’a qu’une vie » et ma conscience qui a autant d’ampleur qu’une super meilleure pote, je ne pense plus. En plus c’est loin, et j’ai trouvé personne pour m’accompagner. La Séville cette semaine, ça ne tente personne ? Je suis sérieuse hein. Toute seule, je n’aurais pas assez de courage.
Enfin, je ne sais pas s’il faut réellement parler de courage dans tout ça. Le problème, c’est de savoir dans quelle direction est la fuite. Je fuis quoi en faisant quoi ? Je fuis la réalité ou je suis fuis les rêves ? (quel lapsus révélateur…)

Manuel, c’est bizarre comme je me rappelle plus de ses mains qui parcourent le clavier que de son visage. Et dire qu’on s’était ratés, à notre premier rendez vous. Mercredi matin, j’étais arrivée en retard d’une demi heure, totalement paumée dans une manifestation de gens louches habillés en jaune et vert, bloquant les rues principales. Lui, il n’est pas venu tout court. J’ai eu beau attendre et le chercher, j’ai senti que l’histoire était en train de se finir avant même d’avoir commencé. Alors, une heure plus tard, je me suis résignée à emprunter le chemin de retour, me plongeant dans un profond sommeil purificateur de souvenirs le quart d’heure suivant.

Jusqu’à ce que le téléphone sonne.

Toujours ce putain de téléphone, qui annonce des putains de nouvelles alors que vous n’êtes même pas encore bien remise de votre petite siestounette purificatrice machin chose…
Manuel, il pensait que je ne viendrais pas, ce matin là. Il doute toujours, malgré ce que j’aie pu lui dire, lui confier. Jamais de promesses entre lui et moi. On a au moins ça en commun.
On s’est revus dans l’après-midi, assis dans l’herbe ensoleillée. Et on a philosophé dans un mauvais anglais franco-italien. On a parlé d’ombre, de miroir, de lien qui nous unie. S’il devait mettre une couleur sur tout ça, entre nous, ce serait bleu-violet.
Ce sont les deux couleurs que j’aime.
Et puis les images dans les mots, et toutes ces phrases qui appartiennent à d’autres, qu’il pose sur des ressentis. Et oui, il se sent bizarre, strange, weird, les mots en anglais définitivement ne lui plaisent pas. Alors il me parle en italien, avec son accent de sicile. Il me regarde avec ces yeux, ce nez, cette bouche d’italien. Et il devient le prince de mon enfance. Il a des yeux magnifiques qui explosent de cette peau dorée. Un espèce de truc bleu vert étincelant, tout droit sorti d’une île des tropiques. Et puis il doit y avoir un gros spot de lumière derrière ses pupilles, son regard éclaire tellement. Je suis sûre que dans la nuit, auprès de Manuel, on ne se perd jamais. Il aime bien rentrer ses yeux dans les miens, en silence. Il fait son italien, mais ce doit être un romantique, dans le fond. Alors, pendant qu’il parle au téléphone, je regarde ses lèvres s’articuler, et je les imagine un instant contre les miennes, quelque chose de soudain, je façonne dans mon esprit ses bras autour de ma taille et ma main dans la sienne, je regarde ailleurs, je me dis que ce serait bien, je frétille mes jambes, j’essaye de penser à quelque chose de plus raisonnable, il vient de raccrocher.

Un silence. On se contemple une seconde, je vais pour enclencher la conversation, il me tombe dessus, avance ses lèvres de mes rêves présents pour qu’elles s’entrechoquent, se confrontent à ma main placée contre ma bouche.

Les rêves ne suffisent pas à rendre heureux, hélas. Et même si tout ce que j’ai pu imaginer venait sur l’instant à se réaliser, je ne veux pas. Je ne peux pas. Ce n’est qu’un sursaut. Ce n’est qu’une passion d’été. Ce n’est que Manuel, après tout. Et même s’il ressent, et même si je ressens, que ressentons-nous ? Où va un baiser ? Il nous emmène bien quelque part, non ? Alors, quand on va dans un endroit en sachant pertinemment qu’on n’y a pas accès, est-ce utile ? Est-ce bien nécessaire?
Le baiser, c’est un peu l’apostrophe sur le « je t’aime », qu’il me citait.
Le baiser, pour moi, c’est le sceau posé sur la promesse, c’est la signature, c’est l’élastique pour fermer le lien qui se tresse, et le resserrer. Mais lui comme moi, on le sait très bien. On est conscient qu’on n’y croit pas vraiment, aux promesses.
Alors à quoi bon.




Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce?
Un serment fait d'un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,
Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer;
C'est un secret qui prend la bouche pour oreille,
Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille,
Une communion ayant un goût de fleur,
Une façon d'un peu se respirer le cœur,
Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme! 
(Cyrano de Bergerac, III, x)


Ecrit par Dine, le Mardi 24 Juillet 2007, 23:59 dans la rubrique Actualités.

Commentaires :

inconsciente
inconsciente
24-07-07 à 22:45

J'aime passionément ces quelques vers de Cyrano de Bergerac et c'est un délice pour moi de les lire ici.

Moi Séville ça m'a toujours tentée mais là vraiment 1. je suis fauchée 2. je dois partir en vacances samedi
Mais ça m'aurait plus, vraiment.

Je pense comme toi, que malheureusement, les rêves ne nous comblent pas totalement, et qu'on n'est pas vraiment heureux.
J'aime beaucoup rêver, mais je crois qu'il faut le faire avec modération.

Pendant une période de ma vie je me perdais entre mes rêves et la réalité et je dois dire que j'ai failli me noyer plus d'une fois.

Ce n'est peut-être qu'une passion d'été mais c'est important quand même.
Et puis les passions d'été s'étirent parfois jusqu'à l'automne, jusqu'à l'hiver, jusqu'au printemps, et vont jusqu'à l'été suivant.

"On dit depuis bientôt plus de vingt ans
Que je ne passerai pas le printemps..." Dalida
(Ma référence est plus disco, OK, mais je l'avais dans la tête)

Bonne soirée Dine et bon courage !

plein de pensées d'une inconsciente

 
MangakaDine
MangakaDine
25-07-07 à 01:29

Re:

A la base, je voulais trouver la citation exacte que Manuel m'avait sorti. J'ai cherché sur Google en vain, mais à la place, j'ai trouvé ces vers là, une fois mon texte écrit. Ils ressemblent bien à ce que j'en pense, dans le fond.

Dommage pour Séville, ça aurait vraiment été cool de pouvoir partir avec toi! Et puis on aurait appris à mieux se connaitre... Je sens que ça s'éloigne petit à petit.... Et Manuel ne m'a toujours pas rappelé pour les détails. Il ne le fera peut etre pas...

En fait, j'aspire à des rêves raisonnables et fondés. Ce sont eux qui me comblent le plus. Ou alors quelque chose que j'ai muri longuement. Pas un rêve furtif, sur un coup de tête ou de coeur. Je n'aime pas regretter. Ni que les rêves des autres me soient imposés. Je fais déjà tellement de conneries insensées par simple reflexe alors bon.

Les passions d'été on souvent été pour moi les moments les plus forts de ma vie. Ceux qui rejaillissent le plus sur ma vie de tous les jours. Ceux dont j'aime à me rappeler. Après, à en sortir quelque chose de concret, elle est là ma question.

J'aimerais vraiment que ça puisse marcher toi et ton Prince. Je trouve cette histoire formidable. C'est un peu un grand rêve tout fou mais tout concret. Un rêve crédiblement fantaisiste. C'est une douce mélodie qui sort de ton oreille pour parvenir à la notre. Et on a envie d'y croire à ta place.
Alors moi aussi je te souhaite bien du courage et t'offre mes pensées chaleureuses!

Gros bisous!

 
inconsciente
inconsciente
25-07-07 à 01:44

Re:

Tu es adorable, tes mots me font vraiment plaisir.

Je n'ai jamais vraiment connu de passion estivale je dois dire, enfin mes histoires ont toujours commencé l'été mais avec des personnes connues depuis longtemps et que j'étais assurée de revoir à la rentrée.

Tu as le temps de sortir de ces passions quelque chose de concret, te laisser porter peut-être tout en ayant conscience de ce qui se passe autour.
Moi non plus je n'aime pas les regrets, d'ailleurs je préfère les remords.
Je préfère regretter d'avoir fait quelque chose plutôt que de regretter de n'avoir rien fait.
Je préfère l'action à la passivité même si bien sûr parfois la passivité est essentielle, pour prendre des décisions ou se reconstruire par exemple.
Mais la passivité est souvent très rapide chez moi.
Quelques heures par jour passées allongée sur mon lit à remuer de nombreuses pensées dans ma tête.
Quand je suis mûre c'est rapide.


Tu sais, je pense que mes lecteurs jouebbeurs me connaissent mieux que les gens que je fréquente tous les jours, sauf exception bien sûr, mais je crois qu'hormis des personnes que je peux compter sur les doigts d'une main, c'est la vérité.


Merci de tes encouragements, merci de croire en cette histoire, je veux me battre pour y arriver, je n'ai rien à perdre et même si ça ne mène à rien je serais contente d'avoir connu cette quête, que je suis déjà heureuse de vivre en ce moment même si je trépigne jusqu'à la prochaine fois que je le reverrai, tout seul, et que j'espère, il me fera monter... Chez lui ^^

Mais bon, on verra bien !

En tout cas vous mes jouebbeurs êtes mes principaux confidents et ce que j'écris ici je ne le dis à personne d'autre -ou presque bien sûr mais avec bien moins de détails et pas les mêmes mots-.

Merci et bonne nuit
et de nouveau bon courage :)

bisous

 
MangakaDine
MangakaDine
29-07-07 à 13:09

Re:

L'été, c'est là que tu rencontres des personnes formidables, qui le sont parce qu'elles n'auraient pas dû être là à la base, parce qu'elles s'en vont, et qu'il faut que tu profites de tout ce qu'elles t'offrent avant qu'elles ne s'en aillent et ne reviennent jamais. Forcément, ça rend la vie quelques instants plus intense.

"Tu sais, je pense que mes lecteurs jouebbeurs me connaissent mieux que les gens que je fréquente tous les jours, sauf exception bien sûr, mais je crois qu'hormis des personnes que je peux compter sur les doigts d'une main, c'est la vérité."
Pour la plupart des gens, les vrais amis se comptent sur les doigts d'une main. Faut pas rêver d'avoir plus, et puis ça sert pas à grand chose la multitude, à part t'éparpiller. Et même si les gens de joueb comprennent de moi ce que les autres n'ont jamais eu à apprendre, ils ne savent pas le reste non plus. L'amour, le sentiment amoureux, ce n'est pas connaitre la personne (c'est dur à écrire pour moi). Il y a bien d'autres choses aussi importantes. Je cherche, je cherche, mais un jour je trouverai de quoi te citer des exemples. ;)

En tout cas, continue à te confier sur ton Joueb, tu as le droit d'aller aussi loin que tu veux, c'est ton espace. L'idée d'y faire un tour et recevoir de tes nouvelles ravit mon quotidien.
J'ai hate que tu puisses revoir ton Prince à ton retour de vacances!

Bisous!