5 minutes de réflexion.
Qu’importe, on se regarde lui et moi, il faut trouver quelque chose à se dire. Et merde, moi qui tout ce temps avait évité son regard et la conversation. Vite, pour l’impro, des idées, tiens, on a qu’à inverser les rôles…
-« Tu fais l’homme ? » me sort-il.
-« D’accord. »
Et puis la suite ? Silence, plus rien. On réfléchit seul. Stop.
Le premier groupe se pose sur scène. Les faux comédiens font leur acte avec stress. C’est à nous. Je m’installe derrière le cadre noir, manque de me casser la gueule ça fait un bruit monstre. Les gens rient, c’est comme si c’était fait exprès. Au moment d’entrer en scène, le mec de la sono balance « Eeeevery night in my dreams, I see you, I feeeeel youuu » qui décrédibilise totalement ma super démarche masculine. Maro court dans l’espace en faisant virevolter sa jupe imaginaire. J’ai vraiment du mal à ne pas rester « fille » auprès de lui. Mes gestes, ils redeviennent instinctivement soyeux et doux, féminins et gracieux. Ca a toujours été lui l’homme, pas moi. Ca a toujours été celui qui fait ce qu’il veut, qui dicte les envies, et moi qui acquiesce, faute de rien. De personnalité peut-être.
Aujourd’hui je fais le mec devant ces autres, et ça me fait me moquer de moi-même tellement je n’y crois pas. Ca devient un sketch, une farce, un truc ridiculement drôle parce qu’au fond, c’est ce que c’est. Maro s’agenouille en poussant des petits cris aigus, je l’accompagne en m’affalant nonchalamment sur le sol, l’entrejambe parlant à ma place. La dame Maro laisse alors discrètement tomber son rouleau de scotch ( ???), faisant claquer le plancher, se glissant jusqu’à mes orteils. Dans des élans dramaturgiquement pitoyables, je m’empresse de le lui rapporter, profitant du prétexte pour effleurer ses mains, il gémit de plaisir. Ma petite pichenette fait alors retomber le rouleau, oh stupeur et putréfaction quelle surprise je le ramasse à nouveau et le porte à sa bouche. Oh oui, hmmm le scotch dans la bouche c’est sexy, on est tout excités l’un l’autre, la tension monte, nos corps n’en peuvent plus, Maro se jette au sol les bras grand ouverts, « prends-moi » puis-je lire dans ses yeux. Je m’exécute, saute sur son être brûlant, agrippe sa chemise, essaye de l’arracher faute d’arriver à la déboutonner, le dénude avec force tout en pensant « bon, quand est-ce qu’on va nous dire stop là, c’est fini, ça fait trop longtemps qu’on joue, jusqu’où encore va-t-on nous laisser faire ? Et si la police arrive maintenant, on va nous prendre pour des débauchés ! Mais non, on est innocents, ce sont eux qui nous ont obligés à…». Mes gestes essayent de progressivement se figer, ma tête repose sur son ventre comme pour l’empêcher de bouger, là peut-être qu’ils vont comprendre qu’on a épuisé notre imagination théâtrale et qu’on voudrait pas empiéter sur les préliminaires. Ouf, Fatim la metteur en scène semble avoir saisi le message, et vient alors nous féliciter puis nous donner quelques conseils de jeu. Je crois qu’ils se sont bien marrés, quand même. Ils nous ont laissé jouer jusqu’au bout ces salauds, avant d’ouvrir ce rideau noir et courir vers nous en hurlant de joie. La troupe marocaine débarque saine et sauve à la résidence, le coup de l’inspection, c’était une blague pour nous faire flipper. Ah bravo. Tout ça pour rien, qui dois-je aller cogner ? Hansel le frère de Nils vient me parler à l’oreille en me charriant :
-« On a des preuves ! On a pris plein de photos ! »
Génial, il avait que ça à foutre.
N’empêche que je les voudrais bien…
…heuuu, comme ça, sans arrière pensée aucune hein.
Tout le monde se saute au cou en se faisant la bise, Maro me lance des regards coquins, la langue au coin des lèvres. Ca y est il y croit. Il y croit dur comme fer. Je m’enfuis jouer du piano, en espérant qu’il aura tout oublié lorsque je serai revenue. Plus tard, une des comédiennes viendra me charrier sur ma prestation :
-« Allez, tu peux pas m’affirmer que le théâtre tu n’as pas envie de commencer ! »
-« Bah, c’est pas ça, c’est juste que… »
-« Je t’ai vu. T’avais l’air d’aimer ça, et puis quand même, tu te débrouilles pas mal. »
-« Moi j’aime tout. C’est bien ça le problème. »
Et puis bon, la journée continue, j’me sens seule, j’attends que le peuple arrive en faisant sieste sur sieste.
Trou noir.
Je fais des rêves bizarres lorsque mon portable sonne. Ce sont eux, les gentils Jouebeurs.
Je crois que c’est à ce moment là que j’ai plus envie de raconter. Peut-être parce que ça rentre dans la vraie vie pour certains et qu’alors, ce n’est plus vraiment un secret dont moi seule aurait été témoin. Et puis que ça fait un moment maintenant. Que j’aimerais parler d’autre chose que de ça.
Que les fumeurs et les bourrés, ça commence à me sortir par le trou des narines. Que toutes ces années, c’est monté, monté, petit à petit à encaisser et laisser dire des conneries d’égoïsme plus grosses les unes que les autres, tout ça pour tirer une latte ou boire une gorgée de plus. Que l’aura de mes potes, elle ressemble plus à rien de ce que j’aime chez les gens d’aujourd’hui. Alors oui on évolue tout ça, blabla machin chose, les chemins différents truc muche. Mais merde, la connerie, c’est pas un chemin à part entière, ni une évolution. Fondamentalement, on est sur la même voie c’est sûr. Alors je comprends pas pourquoi il y a ces centres d’intérêts qui me paraissent si loin de ce que je suis. On m’a toujours appris à respecter l’autre et ses choix. Mais on m’a aussi appris à défendre mes proches et les protéger. Quand tu vois un ami se faire tabasser, même si t’es une plume de 30 kilos toute mouillée (lourde la plume, quand on y pense), bah t’as envie de lui prendre la main et de courir très loin des coups de poings, si ce n’est pas pour riposter plus fort que les autres. C’est comme ça, c’est l’amour.
Bah quand je vois mes potes se faire ravager par l’alcool, ça me donne cette même impression d’injustice qui fait que je pourrais me battre de toute ma force contre ça, parce que je n’arrive plus à assister à tout cette dégénérescence qui leur pète à la gueule. Mais quand ce sont tes amis eux-mêmes qui ont choisi de se mettre des coups de poings dans la face tout seul…qu’est-ce que tu veux faire ? Tu pourrais les séparer de leur propre bêtise qu’ils en viendraient à t’agresser toi.
Alors tu t’exprimes. Mais au fond, c’est comme si tu disais rien. Que tu laissais faire en silence parce que quoi que tu dises, c’est pas ta vie. Non. Toi tu vois juste la leur dans l’instant présent et tu penses, à quoi ça sert ? Qu’est-ce que ça apporte ? Est-ce que ça apporte quelque chose ? Que va être le souvenir ?
Ca fait souffrir de voir ses amis être très cons et en plus contents d’eux. Des légumes sans cervelle qui n’arrivent pas à aligner deux pensées à la suite ni deux pas l’un après l’autre et qui se diront le lendemain que c’était une chouette soirée. Qu’ils se sont amusés. Qu’ils aiment ça, être aussi minables. Comment se jugent-ils ? Comment peuvent-il être satisfaits d’eux le lendemain matin ? Se regarder dans la glace sans aucun malaise de conscience ? Ca n’a aucun sens pour moi.
Ca en a sûrement pour eux.
A cette soirée du nouvel an, j’ai vu plein de choses que je ne peux plus regarder. J’ai crié, hurlé, pleuré, intérieurement et extérieurement, j’ai essayé, essayé jusqu’au bout de me contenter de cela. Ras le bol, comme on dit. Et tant pis s’ils attendent encore ceux qui ne viendront jamais. J’aurais dû tracer dès le début. Dès le début, j’aurais dû les effacer et faire la fête avec ceux qui étaient venus pour moi. Mais voilà, en grande utopiste, j’avais trop envie que l’on soit une grande famille soudée. J’avais oublié que dans ce genre de soirée, les gens cherchent le bonheur personnel avant tout, que l’acte de faire la fête aujourd’hui c’est un peu comme se masturber en groupe chacun de son côté et de déclarer qu’on a pris son pied tous ensemble. Le pied de qui d’abord ? Il aurait fallu être un peu plus clair pour pouvoir l’attraper.
Et Cunégonde étalée par terre qui pleure dans son vomi. C’est sur qu’elle est en train de s’éclater grave, là. La ramasser et rentrer à la résidence. C’est qu’elle est plutôt intelligente d’ordinaire, en temps normal. Mais voyez-vous, elle a hérité du pactole Maro. Alors elle chiale et se plaint et geint et s’offusque :
-« Il m’a dit qu’il se considérait être avec personne ! Et moi voilà, au bout de trois semaines et demi je suis quoi moi pour lui, hein ? Je suis personne c’est ça! Putain j’étais allée faire pipi et quand je suis revenue ils étaient tous partis ! Tu crois qu’il se serait inquiété ? Tu crois qu’il se serait dit tiens Cunégonde elle est où, elle fait quoi ? »
Encore une, je pensais. Trop occupée à la regarder avec mépris en songeant, moi aussi j’étais comme ça avant. A souffrir pour ce type qui n’en a absolument rien à foutre. Si seulement vous saviez à quel point le terme absolument est gigantesquement insuffisant concernant Maro. Il n’a jamais aucun scrupule. Il profite, c’est tout.
Il a profité de moi.
Je ne lui en veux pas puisque je l’aimais.
Mais quand je vois ce qu’il fait aux autres, ça me fout la gerbe. Et pas besoin d’être bourrée. C’est son patron qui est parti à sa recherche, à Cunégonde, pas Maro. Et heureusement qu’on est rentré avant les autres, même si on a trouvé porte close au final. Soirée de merde. Plein de gens géniaux qui gâchent leur potentiel. Et mes amis du net que je n’arrive même pas à regarder en face tellement j’ai honte de moi et d’où je les ai emmenés. Ca fait toujours plaisir de se rencontrer, de vous donner mes mots et mes chansons. Dans un cadre différent peut-être. Et je vous apprendrai la contrée. Et le soleil.
Je revois les yeux de Maro posés sur moi lors de ma dernière partie de carte nocturne. Ces yeux qui m’observent lentement et scintillent, me rappellent la toute première fois. J’y retrouve l’admiration du début, ce côté illuminé par l’euphorie, un peu. Un instant, j’ai revu tout ça et je m’y suis sentie loin.
Je n’ai pas envie de retourner à un quelconque début.
Ce genre de choses, ça m’attire plus vraiment. Quand j’observe Maro, inflexiblement inerte lorsque Cunégonde le caresse dans son sommeil avec ce regard d’amoureuse, là, et ses larmes sur les joues, ce truc qui te fait dire « la pauvre, elle est tombée en plein dedans », je sais qu’il fait exprès. Que c’est pas du sadisme mais de l’égoïsme exacerbé. Qu’il s’en fout de faire mal, si c’est pour obtenir ce qu’il veut. Vouloir plus que réfléchir, ça devrait être sa devise. Maro, va savoir pourquoi il s’est endormi auprès de notre groupe de Jouebeurs sur le parquet, y’avait cent fois plus confortable ailleurs. Sur la couverture qu’on m’avait prêté, il voulait sûrement. Mais allongée, le dos tourné à lui, j’ai dormi. J’ai dormi parce que moi et l’envie, c’est bel et bien terminé.
Vous m’excuserez si je ne parlerai pas des Jouebeurs ici. Je ne veux pas ternir nos rencontres par des élucubrations aussi grises et désabusées. Vous êtes autre chose que ça.
Vous êtes peut-être, ce que je désire en l’amitié. Ce que j’aime en les gens d’aujourd’hui.
Alors chuuuuut…
Commentaires :
Re:
Plus trop envie de les voir.
J'me sentais seule, oui. En fait, j'me sentais de trop. Ou alors nulle part.
Mais c'était que le temps d'une soirée.
Et pour Cunégonde, ouais, la blague aurait un peu été de mauvais gout après coup! Pas de chance! T'aurais du le lui voler avant! Pour ma part, j'ai meme pas remarqué qu'elle avait un sac....
On se reverra, vite j'espère! Quand tu veux tu viens! Si tu préfères l'été pour profiter de la mer, y'a pas de soucis non plus!
Biiizoo
Puisque. C'est pas ressemblant au mien. Pourtant solitude et déception, j'ai eu ça aussi. Allez, hop! nouvelle année, on recommence tout... Ah!
"Vous êtes peut-être, ce que je désire en l’amitié. Ce que j’aime en les gens d’aujourd’hui.
Alors chuuuuut…" Peut-être bien, après tout, hein? Quand je vois que j'en viens presque plus à parler ici qu'en réalité.
BzOo
Re:
(mais c'est toi qui organise, comme ça on pourra pas m'accuser de faire que des plans foireux)
Et puis comme ça, on aura chacun des points communs à découvrir toute une soirée, et des jolies rencontres à faire. En espérant que la plateforme soit pas désertée d'ici là...
" Quand je vois que j'en viens presque plus à parler ici qu'en réalité."
Haha, c'est un peu vrai. Disons peut-être qu'ici on parle d'autres choses, ou alors qu'on parle des choses différemment...
Bouzoux
Re:
En tout cas, même si ça me dit bien, c'est encore trop loin. Et après tout, le 18 juin, c'était pas si mal que ça niveau organisation! ;) lalalala
En espérant, oui.
Ben tu sais, y a vraiment pas de quoi avoir honte de nous avoir emmené là bas. Après tout, j'suis venue pour te voir, et j'me suis quand même bien marrée de l'ambiance generale. Quand on me demande comment était mon nouvel an. Je réponds, bizarre, mais sympa. Ouais, parce que je garde quand même toutes tes chansons à l'interieur, et que ça, ben ça vaut surement toutes les soirées de nouvel an que j'ai pu passé dans ma vie. Et surtout, c'est bien plus classe que de finir allongé dans son vomis (qui sait, ça aurait pu m'arrivé si javais été ailleurs)
Toi aussi, et vous, vous êtes ce que je recherche chez les êtres humains. Des gens qui cherchent à se grandir en se posant des questions. Des gens qui ecrivent. Des gens, entiers. Et je plains tous ces cons qui ne cherchent rien chez les autres, qui se contentent de vivre pour eux et de voler des trucs precieux alors qu'ils savent même pas quoi en faire. Comme maro et le coeur des femmes. Comme Costa.
Mais au finale, c'est nous les plus riches, alors on s'en fout.
Re:
Re: Nolita
C'est celui qui en a pas besoin qui fait baver tous les autres d'envie. Mais bon.
Peut-être qu'il le cherche, cet amour.
Peut-être qu'il cherche juste pas au bon endroit...
Bizouzouzizouzouille!
Re: Glacon
Et puis le vomi, c'est pas beau et ça pue.
Et si finalement, on cherchait notre propre image en les autres, est-ce que ça voudrait dire qu'on est bidons aussi et qu'on ne vit que pour nous mêmes? Il y a l'amour propre, mais l'amour sale on peut pas dire que ce mieux non plus.
Et puis ton Costa, tu mens. ;)
Bisouninounouxe
Pourtant j'ai de bons souvenirs. J'étais tellement ivre que j'ai oublié que je me sentais un peu perdue au milieu de tous ces visages que je connais bien mais qui ne me disent plus rien. Alors j'ai dansé, dansé, dansé, les yeux fermés, incapable de les rouvrir.
Parfois je vacillais et je sentais une douce euphorie dans mes veines.
Enfin, bref. Qui étaient les jouebbeurs ?
Je comprends l'ennui que ses fêtes peuvent t'apporter. L'ennui au sens de tristesse un peu aussi puisque tes amis se mettent la tête à l'envers sans que tu ne puisses rien y faire. Je comprends alors que bon, ça fait peut-être un et demi que je vis ce genre de fiesta et j'en ai déjà ras-le-bol. Je voudrais tellement moins que tous ces abus auxquels j'assiste et qui me donne envie de gerber.
Maro a l'air d'un sacré connard. Pire que ça même. Finalement c'est un peu un Don Juan qui profite sans scrupules.
Enfin je finirais en te disant que j'aimerai bien te rencontrer, un de ces jours.
Re:
Moi aussi j'aimerais bien te rencontrer! Faudra qu'on refasse un petit rendez-vous Joueb cette année, et cette fois-ci tu le manqueras pas! C'est mal de manquer! Il faut venir! Comme ça je vois ta tronche en vrai (j'ai une petite idée de ce à quoi tu ressembles quand même, aux vues de tes photos ^^), et j'entends ta voix, et je t'entends rire et être timide au début....ça va être rigolo!
Sinon, les jouebbeurs (tu mets 2b! mais en même temps ça parait logique de le faire, ça fait très anglais!) étaient Glacon et Nolita. Mes deux copines de Lille! Elles me manquent, d'ailleurs. C'est mal de manquer!
Mais je l'ai déjà dit.
Ouais les abus. Tout se passe bien, et puis d'un coup y'a un truc qui dérape et hop, ça te fait sortir de ta bulle. Tu regardes autour de toi, et tu vois que personne va bien, que rien ne se passe d'une manière cool et amusante, qu'en fait, c'est pourri, ce que tu vois, c'est pourri. L'alcool, ça permet juste de pas se rendre compte, de pas décrocher, tu restes à fond toute la soirée, comme ça tu te rends compte de rien.
Pour Maro, en même temps, d'être un connard c'est pas nouveau. Mes premiers textes sur lui c'étaient déjà faits une raison. Mais qu'il ait à ce point pas changé en 3 ans, ça, c'est un peu plus grave...
nolita
Arf ma poulette, j'ai pas voulu voir tout ça, je te sentais bien mal ce soir là, mais je pouvais pas sentir que c'était si fort, on les connaissait pas tout tes gens. Tu devais te sentir bien seule au final...Hum, pense fort qu'ils vont se rendrent compte, il faut! quel gachis ça serait... pour l'extérieur ils ont l'air si lointains, si hauts, ça peut pas en être autrement. Enfin, je parle je parle, mais je ne sais pas...
Et Cunégonde je voulais lui voler son sac rouge, j'y pensais comme ça pour rire...après j'me suis que putin, vu le contexte c'était moins drole.
J't'embrasse fort dinette! j'espère te voir dans une situation moins impromptue! ;)