Ecrit le 18.06.08 à 01h00
En général, je leur dis qu’il faut un an pour se remettre d’un amour, ou au moins un temps d’oubli égal au temps de réciprocité, s’il y en a eu. Mais en réalité, je dis cela pour les ménager, pour ne pas trop les inquiéter sur l’avenir.
Je ne sais pas si ça s’oublie, ou si on parvient à s’en remettre un jour.
Je le pense, je le crois. Ca ne peut qu’être possible.
Il y a les sensations qui disparaissent. Je peux avoir le souvenir d’un moment doux sans pour autant le ressentir, le revivre. Parfois, les images s’emmêlent et s’effacent. Ne reste alors plus qu’une vague description sur laquelle on tente de poser sa propre forme. Mais ça devient flou. On se rappelle juste qu’un jour, on a aimé ça, lui, ce truc lointain qui ne se matérialise plus dans notre cerveau mais qui y a été présent un sacré moment par le passé. Ca faisait quoi déjà, lui en face de moi ?
Il y a des évènements ne datant que de quelques mois qui déjà n’arrivent plus à exister de manière sensorielle. Se transforment-ils alors en faits scientifiques, sans aucune saveur. En faits divers, nouvelles de comptoir. Au fait, machin et bidule se sont embrassés sur le banc dimanche soir….
Ca fait quoi déjà, embrasser ?
Je suis un peu comme mes souvenirs. Je n’existe plus que sous la pression d’un certain ordre des choses. J’avance, je parle, je respire. Je vis selon le terme scientifique. Je suis de la race humaine. Etc.
Mes sentiments, ils ont été là un jour, c’est sur. Je me souviens. Enfin je crois. Je sais plus trop. La mémoire a-t-elle un quelconque poids en matière de preuves tangibles ?
Aujourd’hui, lorsque j’essaie de me rappeler ce que j’ai pu ressentir, ne me revient alors qu’un goût assez âpre et pâteux. Une impression d’inachevé. De déception infinie. D’échec face à l’espoir. Il ne me reste que ça.
Comme si, j’avais vraiment raté quelque chose. Le passage au niveau deux, ou un truc du genre. Je suis bloquée à la fin du tableau, incapable de revenir en arrière. Et se demander obsessionnellement, à quel endroit j’ai merdé ? Mais peut-être qu’il y en avait plusieurs, et que je n’ai rien à regretter.
Ca commence à être loin derrière moi, l’amour. Les chouettes moments aussi, ils s’évaporent lorsque je tends le bras pour les toucher. C’est comme ça. Tout s’enfuit. C’est pas fait pour rester, de toute façon.
Mais cette main.
Cette main qui a agrippé la mienne cette nuit là. Je la ressens encore. Je la revis. Mes battements s’emballent à chaque fois que j’y repense. Parce qu’à chaque fois, il me la redonne, sa main. Il me la donnera toujours. Dans son élan surprenant et désintéressé qui fera que. Non, je n’oublierai pas. C’était il y a un an, et bien plus encré que tout ce que j’ai pu entasser jusque là. C’était lui. Et même si je ne me souviens plus de son visage, de sa voix, de son rire, même si tout ce que je peux éprouver à son égard aujourd’hui c’est de la solitude et de l’amertume face à nos chemins qui se décroisent, même si je n’ai plus d’instants solides ou récents auxquels me raccrocher pour survivre, il y a sa main. Il n’y a plus que celle là, puisque c’est tout ce qu’il ma donné. Puisque c’est sa main. Puisque c’étaient mes doigts dans les siens plus que je n’aurais pu attendre de lui, puisqu’il l’a fait de sa propre initiative et que j’ai rendu l’âme un million de fois au creux de son poignet. Parce que je l’aimais. Parce que j’en étais folle, au point de mourir dans cette main là. Oui, je m’en rappelle. Tout me revient. Ses phalanges frottant ma paume, c’était doux et moite en même temps. Et l’impression que ça ne tenait qu’à un fil. Que si je ne la serrais pas avec attention, nos doigts glisseraient, se perdraient les uns les autres. Elle était fragile, sa main, bien qu’elle ne laissait rien transparaître. Aucunes fausses idées.
Mais moi, je l’aimais. J’aimais tout. Je n’entendais plus rien, sauf les boom boom incessants de mon cœur entre mes tempes. J’étais vidée de toute pensée et le temps s’est arrêté, je crois. Je me suis alors embrasée et brûlée de l’intérieur. Ca ne m’a pas fait souffrir, puisque je ne faisais plus aucune distinction entre le bien-être et la douleur. Puisque c’était sa main et que j’étais amoureuse.
Aujourd’hui encore, je le ressens très fort, tout au fond de moi. J’ai le sentiment que ça ne s’épuisera jamais, le flot d’émotions qu’a fait germer ce moment unique. Ca peut paraître juste banal vu de l’extérieur, et pourtant, c’est ce que je retiens. C’est ce moment là, et nul autre. Je ne sais plus comment j’ai pu l’aimer, je n’ai plus conscience de l’intensité de mon amour d’autrefois. Mais j’ai sa main. Je l’ai encore. J’ai toujours l’impression de la tenir, à chaque instant.
Mais comme cette nuit là, elle finit forcément par se dérober. Et alors, le temps se dégèle, la musique envahit mes tympans à nouveau, mon esprit sombre dans le brouhaha et je le perds de vue parmi la foule. Et je me retrouve seule, à chercher ses doigts maladroitement, à crier son prénom dans ce grand vacarme, cette agitation qui m’étouffe et m’effraie. Et je comprends alors que l’instant est désormais derrière moi et que je ne le revivrai plus que par procuration. Que c’était sa main mais qu’elle n’y était qu’une fois. Quoi qu’on en dise. Quoi qu’on puisse en penser ou espérer.
Quoi que puissent me faire croire ces foutus souvenirs.
Commentaires :
Re:
Pour ce qui est d'oublier ou d'enfouir, je pense que c'est juste le gage du temps. Le temps transforme chaque chose sur cette Terre, peut-être les sentiments aussi. Ils ne disparaissent pas, ils prennent un peu plus de vécu... Je la trouve bizarre, ma dernière phrase.
Re:
Pour ma part, ça m'amène à chercher les raisons qui m'ont conduit à Aimer ; comprendre les origines de cette attraction d'une intensité unique...
Re:
Pourtant je suis sûr qu'il y a quelque chose de très particulier et d'unique qui m'a touché.
En même temps l'éclair s'est produit si rapidement, dès les premières secondes ou presque...
Certains disent que l'on "recherche" inconsciemment une personne qui ressemble physiquement à sa mère (ou son père selon son orientation) mais dans mon cas ce n'était pas ça.
Re:
"C'est marrant. Tous les gens sur qui je flashe de cette façon, ont toujours un air de ressemblance. Comme si....mon cerveau avait emmagasiné des données, un schéma d'être, et sonnait l'alarme à chaque fois qu'un type se rapprochait de ce schéma établit par mon inconscient. Je sais apprécier la beauté de chacun, aussi différente soit-elle. Mais alors pourquoi je bloque toujours sur les mêmes?
Au fond, c'est très intriguant, cette impression que mon moi-profond sait et qu'il recherche. Il cherche désespérément cette personne qu'il connaissait par cœur il y a bien longtemps, où même, qu'il connaîtra par cœur un jour. Et quand il croit qu'il trouve, il me prévient, et je bloque. Et bizarrement, les types qui me font cet effet, au fin fond de moi, me rappellent tous quelque chose, quelqu’un. Peut-être l'image de cet homme, mon futur âme sœur, l'unique, que mon inconscient se démène à retrouver de toutes ses forces...."
(c.f : Des histoires de mains)
J'ai un peu de mal à y voir un rapport avec mes parents, mais je n'y vois pas non plus que des différences. C'est juste que parfois, les choix fait par mon inconscient....me surprennent moi-même.
Quelque chose de particulier et d'unique qui t'a touché...c'est une belle façon d'appeler ça l'amour...
Re:
J'y ai pensé cette nuit, et le truc "de particulier et d'unique" qui m'est reste gravé chez DJ je crois, c'est la générosité très très rare, la gentilesse, l'ouverture.
Je sais pas mais ça m'a touché au plus profond de mon coeur.
Après, pourquoi ça et pas qu'autre chose... ?
Re:
C'était sincère.
Tout ça.
J'ai l'impression de me relire, j'ai cette impression étrange que comme toi, ça ne partira pas ce sentiment.
Et pourtant, une discussion msn ce soir me prouve le contraire et toi qui dit que ça va mieux.
(Je n'y crois pas quand même, que ça partira).
Re:
Est-ce qu'on a alors réellement le droit de dire que c'est devenu une part de nous? J'ai cette sensation en tout cas. Avoir le mal de lui c'est un peu comme avoir mal au bras. Ca fait mal, ça se soigne, ça va mieux mais. C'est mon bras, ça ne part pas, c'est collé à mon corps. Ca serait absurde de vouloir oublier son bras, ça nous empiéterait sur tellement de choses.
Je suis contente que ce texte ait réussi à te parler.
Sur MSN ça m'intrigue, comment a-t-on pu te prouver le contraire?
Re:
Sur msn, c'est juste que 4 ans après il y a toutes ces choses qu'on ne sait pas dites. Antoine, j'en parle parfois, de moins en moins. Il y a ces regrets d'avoir été un beau salaud, mes regrets de ne pas avoir dit mes sentiments quand tout était trop flou. Il y a ces mots qui disent qu'il garde un très bon souvenirs de nous deux, qu'il a passé de bons moments, enfin bref je raconterai... mais quand on parle, quand je vois ça photo en avatar, il n'y a pas ce pincement qu'il y avait. Et pourtant il me l'a pris mon coeur, il me l'a serré, me l'a broyé même.J'avais pas l'impression que c'était mon bras qui s'était barré avec lui mais moi toute entière. Et au final, je vis sans lui, après avoir juste survécu. Oui mais voilà, il reste important malgré tout. Alors j'en viens à me contredire là. Il y a les souvenirs qui s'échappe, le mal d'eux, le corps en vrac, l'esprit foutu, et le temps qui parfois, essaie de nous venir en aide. Même bien longtemps après.
Je ne sais plus grand chose ce soir, juste que ça recommence à chaque histoire, ces histoires auxquelles on tient vraiment.
Re:
Même ta façon de te contredire est bien écrite. Alors je comprends. Ca m'a fait ça un peu aussi.
Antoine, il me semble en avoir lu quelques uns sur ton Joueb. Mais va savoir quand, et lesquels...
andbeyond
Je pense que c'est plus enfoui.
Mais il me suffit de retrouver une photo pour frissonner.