Ecrit le 14.01.09 à 23h15
En référence à cela.
Je l’ai croisé par hasard sur un trottoir à une heure et quelques du matin. J’allais rentrer chez moi mais il m’a dit « ça tombe bien, on avait besoin de toi pour chanter ! ». Dans la rue, là, entre les bancs et les autres gens sans nom qu’il avait rameutés. Certes, c’est pas la première fois que je me laisse embarquer dans un plan aussi à l’arrache. Mais c’était la première fois avec Blues. Ca y est, je le lui ai finalement trouvé, son pseudonyme.
J’ai l’impression d’être dans un film pour jeunes à l’esprit bohème. Il est cinq heures du matin. Je hurle et je ris nerveusement à l’arrière de sa moto qu’on a poussé sur 150m pour la faire démarrer, lui sans casque et totalement bourré à prendre tous les sens interdit qu’il rencontre et rabattre du pied les rétroviseurs des voitures pour bobos qu’il croise sur son chemin. Et la moto qui glisse dans les virages. Et moi qui crie de plus belle. Je ne veux pas mourir de manière aussi pouilleuse et ridicule ! On dirait une grosse blague. Alors je serre mes mains accrochées à sa taille. En réalité, je me sens bien plus rassurée quand je me tiens à la moto elle-même. Mais, je ne veux pas perdre l’instant.
Décider d’aller voir le soleil se lever sur la mer. Mais la mer n’est pas à l’est. Aller récupérer des casques et des couvertures dans cette grande maison au milieu de nulle part, un bout de campagne dans la ville. Là où il vit avec Poubelle et plein d’autres. Vouloir récupérer la clef du toit de ce grand immeuble aux vingt étages qu’on voit à travers la vitre du salon, clef sensée être détenue par un des colocataires. Rentrer dans la chambre de ce dernier pendant qu’il dort et faire un gros bordel. Tomber nez à nez sur ce spécimen énorme et partir en courant se réfugier dans le jardin. Quelle phobie de merde.
Blues qui vient me chercher. Ce n’est qu’une araignée tu sais. Pourquoi en avoir aussi peur ? Même les images immobiles sur Google me mettent mal à l’aise, me tapent dans la poitrine. Assis sur les marches en pierre, sous le froid et la lune décroissante, on discute enfance et choses intimes, gros secrets lourds à porter. On se raconte ce qu’il ne faudrait pas se raconter. Il est bourré, il se rend pas compte, mais moi ? Est-ce que je dois écouter ? Est-ce que je dois faire comme si je ne m’en souvenais pas le jour levé? Est-ce que je dois me confier autant et lui donner les remèdes incroyables à ses maux insensés ? Je ne sais pas. Je le regarde, je souris et j’ai envie de lui demander sa main. Comme quand on chante ensemble et qu’on est exaltés, qu’on s’exprime qu’on se fixe qu’on se touche par la musique le corps le cœur et qu’on a le bord des lèvres aux oreilles et le bord des yeux l’un dans l’autre. Avec lui je suis bien. Mais je suis nostalgique. Et la tristesse qui m’habite jusque dans le fond de sa rétine. C’est pas bon tout ça.
Monter les marches du jardin tous les deux sous la couverture, il se passe quelque chose. Quelque chose de beau, de retenu, enveloppé par l’affection des confidences. En silence on va rejoindre les autres, l’intégrale de De Caunes et Garcia. Il est sept heures et demie du matin. On rit en trempant les croissants dans le café, un fauteuil pour trois. Il ne fera pas le premier pas. C’est à se demander s’il se rappelle encore comment on fait. Ce que ça fait. Quoi, il donne sans arrières pensées. Comment lui expliquer ?
J’ai envie de te manger le visage, te faire perdre l’équilibre et t’entendre gémir.
C’est tout. Le reste ça ne pourrait pas coller. C’est juste que ta timidité rigide m’excite un peu trop. Je veux voir ton côté gentil vaciller, je veux te revoir te battre avec l’autre pour me ramener sur ta moto pouilleuse, comme si j’étais à toi, comme si tu me possédais. Mais je ne veux pas être là quand tu dépasses tes limites. Elles sont bien trop éloignées des miennes, ne m’entraîne pas. Je ne veux pas me laisser avoir par tes élans extatiques qui t’emmènent toi-même là où tu ne gères plus rien, écrasé par ton inconscience puérile qui te pousse à rejeter l’adulte et nier toute évidence, la réalité. Parce qu’elle fait trop mal.
Ce qui fait mal c’est plutôt ce genre de comportement, non ?
Alors la télé allumée dans un moment de sursis, j’attrape ton écharpe et je l’attire vers moi. Il est neuf heures du matin. Je te porte dans le fauteuil. Tant que je peux enfouir en silence ma tête dans ton pull, ça me va tu sais. Tant que je te sens chercher ma main sans oser la trouver. C’est déjà bien que tu cherches. J’ai pas vraiment envie de plus. Pas vraiment.
C’est pour ça que je t’ai choisi toi.
Parce que tu ne sauras pas prendre les devants.
Commentaires :
Re:
Moi aussi je l'affectionne particulièrement, ce petit texte.
C'est qu'il me rappelle de vraiment chouettes souvenirs. :)
LiliLou
S'fait tard, j'vais dodo. Biz'