Ecris le 12.05.05 à 23h35
Je sens le Maro à des kilomètres à la ronde.
Jusqu'au bout de mes doigts, je le sens.
Même après m'être lavée, avoir trempé mes mains dans la gouache, mangé du poisson......je sens encore lui.
Cette odeur de transpiration putride et nauséabonde qui me rend addicted à sa chair....qu'est-ce que je l'aime, son odeur....
Qu'est-ce que je l'aime...

Des regards, quelques regards, comme avant. Moins affirmés, tantôt fugitifs, tantôt suggérés.... Du coin de l’œil, j'ose observer les traits de son visage. Merde, de face, qu'est-ce qu'il a un gros nez...
Si je suis revenue chez Poubelle ce mercredi soir, c'étaient pour les mêmes raisons que ce lundi dernier. Espérer dormir dans ce lit qui me console tant....qui me rend folle, également. Car emmitouflée dans ses draps, je ne ferme jamais l’œil très longtemps.

Il avait étendu ma couverture sur le matelas en dessous du sien, comme un semi avertissement.
-"Ce soir je dors sur ce matelas?" le questionnai-je, désignant l'objet du délit.
-"Tu fais comme tu veux..." a-t-il répondu, dédaigneux.

Comment ça je fais comme je veux? Comment ça tu t'en fous? C'est ta chambre bordel, dis moi ce que tu penses!
-" Mais toi, ça te dérange si je dors à tes côtés, tu préfères avoir de la place et dormir tout seul, tu veux quoi, en fait?"

Silence.

Il a fait mine de replonger dans son bouquin. Je déteste quand il fait ça.
J'ai pris ma couverture, me suis enroulée avec, assise sur ce vieux matelas pourri dans lequel je n'avais vraiment pas envie de dormir. Je suis restée là et las, à fixer les murs de la pièce. Ses posters, ses disques, ses photos.....tiens, il était temps qu'il la mette, celle là, la photo de sa petite copine...sûrement l'a-t-il posée ici pour se rappeler qu'il ne doit flancher avec personne.
Même si c'est moi.
Mais alors, pourquoi ne prétexte-t-il pas que ça le dérange, mon remus-ménage autour de sa personne (quoi que, je suis très peu envahissante, je prends pas beaucoup de place), pourquoi se contente-t-il de se terrer dans le silence?
"Pour ne pas avoir à donner sa réponse, qui serait plutôt en ta faveur..." m'avouera Ray le lendemain de cela, après lui avoir fait part de l'histoire. Pour ne pas créer lui-même les preuves de sa non-fidélité envers sa petite blonde. Bien que......il n'ait pas attendu auparavant de se laver de tout soupçons à l'époque où nous nous voyions chaque nuit.....pourtant, il était déjà avec elle...
...ça démontre qu'il aura au moins un peu pris conscience de ce qu'est la fidélité dans un couple, ou tout du moins, de ce qu'est une relation.
C'est moi qui en pâtis, pour l'occasion...

Poubelle, il y a deux jours de cela, m'a raconté une histoire. Celle de Maro et Miss Beaux Arts. Une Miss qui lui aurait fait certaines avances fort douteuses, jusqu'à l'emmener dans une pièce éloignée des convives, s'asseoir sur ses genoux, face à lui, commencer à l'embrasser partout....et Maro dans tout ça?
...un peu pétrifié, très saoul, comme à son habitude, mais surtout, ne la repoussant pas, immobile, imperturbable dans ses moindres gestes. Juste cette phrase :

-"Tu fais ce que tu veux, mais moi je ne ferai rien."

En même temps classe mais pas très courageux.
Et si elle avait continué de te déshabiller, tu te serais laissé faire si elle avait voulu aller jusqu'au bout? D'un autre côté, tu ne t'es pas démonté, tu as résisté à tes envies avec elle, alors qu'elle était beaucoup plus provocante et sulfureuse que moi. Et d'une certaine manière, ça me fait énormément plaisir. Ca me prouve que tu ne dirais pas oui à n'importe qui, ne sauterais pas sur toutes les occasions....j'ai au moins la fierté d'être celle vers qui tu vas quand tu désires et c'est comme si....j'avais un soupçon d'importance à tes yeux, j'étais un semblant de choix, de mieux qu'une autre...
...tu m'auras au moins donné l'espoir de ne pas être qu'insignifiante.....

Je me suis timidement relevée, la couverture sous le bras, et avec nonchalance, ai jeté mon oreiller près de Maro, pour m'y installer. Je me suis recroquevillée contre le mur et ai attendu qu'il éteigne la lumière. Il a pris son temps, pas comme la dernière fois.

Il s'est endormi un tout petit peu avant moi. Et Dieu sait si je n'ai pas succombé au sommeil avant bien longtemps. Je m'en doutais parce qu'il baillait encore et que, stressé, il bougeait ses doigts de pieds. Et comme le stress est communicatif, je bougeais mes doigts de pied avec lui. Quand soudain l'envie de me gratter la tête s'installait, je le surprenais à se gratter la tête à mes côtés. Chacun gesticulait l'un après l'autre, comme un jeu de mime, comme des automates. Mais pas comme un miroir. Parce que logiquement, si jamais j'en venais à me tourner dans sa direction, il aurait du faire de même dans la mienne, non? Mais plus je m'approchais, plus il s'éloignait, et vice versa. Il y aura toujours un écart à combler, entre nous.

Finalement, je me suis moi aussi fait prendre par le sommeil. Et quand j'ai ouvert les yeux, le fossé entre nous s'était considérablement resserré...par la magie des choses. Il avait sa tête sur mon épaule. Je n'ai plus voulu bouger. Puis quand il s'est décalé, je me suis blottie contre lui, cette fois-ci ma tête sur son épaule. Il a alors posé sa tête contre la mienne, et on est resté comme ça, tête contre tête, à dormir ensemble, tous les deux, jusqu'au petit matin.

Je me suis finalement dit que ça me suffisait. Le regarder dormir serein près de ma peau comblait mon petit bonheur. C'est pour vivre des moments comme celui-ci que je suis là ce soir. C'est cela que je recherche, c'est ce Maro. Et tant pis si de son conscient il n'acceptera plus de me toucher. J'aurais au moins la fierté d'être celle sur qui il s'appuie dans son sommeil. Et ça, c'est incommensurable.

Mais il ne le saura jamais. Il ne saura jamais tous les instants tendres que l'on aura partagé dans la nuit, dans ses rêves, lui et moi, à son insu...je garderai le secret.
Ca restera entre vous et moi...