Ecrit le 03.08.10 à 22h20
A bord de leur bateau gonflable ressuscité quelques minutes plus tôt ils ont mis les pieds dans le lac à la rive de la nuit une lampe frontale en guise d’espoir. Moi je garde les affaires. C’est comme ça. Je suis une fille. Je suis frileuse et craintive. Alors on ne me propose pas.
J’aurais voulu m’en mettre plein les yeux, les odeurs à gambader dans les montagnes l’horizon en zigzags. Mais non. Moi je garde les affaires pendant que le concert se termine.
Virer les gosses pour sauter dans le château gonflable -mais cette fois-ci pas par nous-mêmes. Ce coup là je viens aussi. Mais je sens bien que je n’ai pas ma place. Moi j’aurais dû aller garder les affaires, d’ailleurs c’est bien ce qu’on m’avait demandé à la base.
Alors toute seule à fuir le dernier apéro en intérieur mon netbook sous le bras je m’installe en haut du toboggan dans le parc pour enfant, maintenant je peux le faire ça, écrire en solitaire juste en dessous des étoiles qui rendent beau le monde. J’entends des cris, des youhous, je crois qu’on me cherche. Tiens, ça n’a pas duré longtemps, c’était juste pour la forme. J’aime bien les jeux pour enfants. Ca me rappelle Blues. Les moments où il n’y avait que nous, dans n’importe quel contexte. La bulle d’amour. Vouloir sans cesse se rentrer dedans et finir par ne faire qu’un. Aujourd’hui je vis le contraire. Quoi qu’il se passe nous ne seront pas uniquement nous-mêmes. Vite fuir. Fuir l’intimité. Se retrouver face à face comme des cow-boys homosexuels. Hésiter entre se tirer dessus et se serrer dans les bras. C’est sans compter l’amour propre évidemment. Tu me l’as dit hier soir quand tu avais le verre d’alcool qui faisait décoller le filigrane de ta pudeur. Tu as peur. Tu crains les instants où il n’y a que nous, tu les contournes. Toi ça te suffit. Puis en même temps tu sais que tu ne fais pas ça comme il faut. Que tu t’empêches. Le soir tu attends de ne plus pouvoir rester l’œil ouvert pour dire au revoir aux gens et sombrer dans le sommeil. Il n’y a pas de processus dans ton cerveau qui réserve un coin « juste avec elle » dans ton planning. Pour moi, il n’y a pas de place. Tu doutes encore de t’être trompé. En fait, tu redoutes de ne pas t’en rendre compte en temps voulu, et que ce soit trop tard. Que tu sois déjà accroché depuis trop longtemps pour avorter ton sentiment. Parce qu’au fond de toi, ton cauchemar, c’est de revivre un abandon peut-être. Tu préfères te dire « ça aurait pu être elle ». Comme tu as osé lâcher hier soir « dans dix ans j’aurais fait de toi une maman ». Au conditionnel. La condition étant que tu y croies suffisamment pour me retenir aujourd’hui. Enfin, pour ne pas m’expulser. Tu veux partir militer pour sauver cette maison d’handicapés de l’expulsion de ses hôtes. Mais sauve-toi d’abord de ta propre expulsion, non? Ce ne serait pas plus judicieux? Je ne sais pas. Probablement que mes propos sont dénués d’objectivité, de compassion, empreints d’égoïsme et d’attachement à mes intérêts personnels. En même temps j’écris ce que je veux.
Je n’ai plus qu’à attendre. Que tu te réveilles, que l’on se donne une véritable chance d’exister. Je suis patiente ne t’inquiète pas. J’ai l’habitude de l’expectative. De toute façon moi mon rôle, c’est de garder les affaires. Assise, pendant que les autres apprennent à s’amuser. Une fois qu’ils seront assez satisfaits et heureux d’avoir vécu, ils reviendront les récupérer, aller jouer ailleurs.
Commentaires :
Re: Joli...
J'ai le droit d'écrire des conneries, des phrases plus grosses que moi, des immondices d'égoïsme aussi. Parce qu'ici c'est chez moi. Que je suis telle que je suis. Conne, dépassée et égoïste. Ce n'est pas se vanter des mauvaises choses, c'est juste que c'est comme ça. Tu parlais dans ton coin à toi de jugement des autres, que sur les blogs on était moins jugé que dans la réalité. En fait, ce n'est pas tout à fait ça. Dès qu'il y a des autres, il y a forcément quelque part un jugement. C'est juste que sur un blog, on a souvent l'impression qu'on peut se parler à soi-même librement, que l'on peut s'ouvrir à son clavier et que personne ne pourra profiter de la brèche. Comme un grand rêve. Comme si les autres, finalement, étaient chimériquement une partie de nous-mêmes. Sans conséquence.
Le tobogan, c'est ma manière à moi de rester adulescente peut-être. :)
Bienvenue sur Joueb.
adulescent
Joli...
J'ai bien aimé.
Je t'ai vue garder les affaires...
Je t'ai vue en haut du tobogan...
J'aime bien la conclusion.
Et j'adore cette phrase : En même temps j’écris ce que je veux
A bientôt.