Ecrit le 26.12.10 à 03h45
Je m’écoute en boucle toutes ces plages digitales jusqu’à des heures indécentes l’oreille hagarde les yeux dans le vide je suis ailleurs. Je ne me sens pas vraiment là depuis quelques temps. J’ai le moteur du cerveau qui carbure à plein régime j’ai moi-même du mal à suivre ma propre pensée. Et puis. Avec tous ses mots susurrés à mes lobes c’est comme si je n’étais pas vraiment partie. Je commence à connaître ses vannes pas cœur, les musiques se décomposent d’elles-mêmes à force de les user, s’ingurgitent par vagues, les structures, le champ lexical, la syntaxe rythmique, les syllabes découpées, ses rimes si intenses par mots entiers ou par premières moitiés. Je bois. Je me saoule.
Il y a deux jours piano est redevenu mon ami. J’avais ces textes qui transpiraient le Grand Fou à plein nez que je brodais et décousais sans cesse, pour inciter l’inspiration à revenir. Or voilà, ce sont les notes qui se sont invitées, par dissonances, retards et tritons terribles qui m’ont soudain paru si doux et fébriles plaqués contre mes doigts. Je suis à demi rassurée. Rien depuis presque deux ans qui ne m’eut satisfait, je pensais avoir perdu le coup de main. Ce n’est pas encore ça mais j’y vois de l’espoir. Chercher la spontanéité c’est un petit paradoxe, mais arrêter d’y penser c’est un peu se laisser mourir en vain.
J’y retourne pour une quatrième fois. Ce n’est presque pas moi, je le confesse. C’est un concours de circonstances. Ce sont mes collègues de travail qui se sont démenées pour me remplacer sans que je ne demande quoi que ce soit. Comme ça. Un cadeau. Comment puis-je ne pas m’imaginer que la vie trame quelque chose de ces rencontres et qu’elle m’expédie une nouvelle fois sur Paris telle une lettre à la poste. Mais quel est le message, quel est le destinataire. Que suis-je censée faire de ces chances certaines?
Je me dis qu’après tout si je l’ai vu autant en si peu de temps c’est que c’est peut-être important alors j’ai le trac. La dernière fois quand j’ai quitté les lieux j’ai lancé un « à pas bientôt » et je ne prenais pas vraiment de risques à être sure de ce que j’avançais. Quelles têtes vont-ils bien pouvoir tirer en me voyant débarquer deux semaines plus tard m’amener de si loin l’espace d’un seul soir?
Je ne sais pas comment je vais parvenir à faire passer la pilule. Ils vont me prendre pour une timbrée. Une psychopathe. Peut-être qu’ils vont penser que je prépare un coup tordu et peut-être que c’est vrai. Que je ne suis moi-même pas au courant de tout. J’ai très peur de cette pensée là. Mais dans le fond il y a un côté de moi qui espère. Qu’il va être heureux. Qu’il va sourire lorsqu’il me verra pénétrer dans la même pièce, qu’il n’en croira pas ses yeux. Parce que pour lui aussi d‘une certaine manière, il n’y a pas de limites à l’amour.
Enfin, quand je parle d’amour c’est très complexe. C’est un mélange d’une infinité d’atomes crochus s’influant dans diverses dimensions. J’aime l’artiste. J’aime ses inspirations, sa façon de les modeler, ses sujets, ses envies, ses convictions intimes, j’aime la personne sur scène, ce qu’elle donne, ce qu’elle dégage, j’aime son humour, ses improvisations, sa voix, son rapport à la guitare, j’aime lorsqu’il se perd, le contraste entre ses prestations et le reste, sa timidité, ses airs de, trublion de la lune, son rire effacé, son corps en retrait, son regard sain, et en même temps pas là, ses désirs, j’aime ses désirs, ses souhaits modestes et ses intentions qui n’apparaissent pas sauf lorsqu’il gaffe, qu’il s‘oublie, qu’il essaie l’air de rien, l’air de, trublion de la lune j’avais dit.
Je me sens feutrée dans mon existence. L’air est si agréable. L’envisageable pas moche du tout. Mais toutes ces faveurs de la nature me donnent la nausée. Me foutent la pression. Que vais-je en faire. Que dois-je en faire. Je crains tellement de manquer les occasions.
« Jolis b@isers que les b@isers
Que l’on refrène bien fr@ncs
As-tu l’amygd@le anisée
La muqueuse au goût de s@fran… »