Ecrit le 08.03.11 à 19h55
Et le soir, lorsque je suis rentrée dans ce troquet, j’avais ces regards qui me disaient bonjour, qui resituaient mon visage et les barmans qui voyaient en moi une habituée. Les gens qui me parlent. Naturellement. Je le souligne parce que ça me fait toujours étrange, m’incruster dans un lieu sans demander la permission et m’y sentir comme chez moi.

Je ne l’avais pas croisé jusque là et c’est en descendant les escaliers de la cave pour pendre mon manteau qu’il était debout sur les marches, en plein milieu. J’ai attendu en haut qu’il finisse sa montée, par politesse, mais il ne bougeait pas, ça m’a fait penser à ce moment entre deux portes en ce même endroit alors pour ne pas que l’instant devienne interminable j’ai pris l’initiative « comme je n’ai aucune idée de ce que tu vas faire ni de ce que tu vas dire je pose mon manteau, là » ce sera plus rapide que de poser la question.

Il faut dire que j’étais venue l’écouter spécialement lui à la base. A peine arrivée en gare en prenant le métro je le croise à une sortie de rame je crois en une coïncidence fabuleuse. Et si je pense à lui c’est que le premier à m’avoir évoqué sa personne, c’est Grand Fou.
- « Ah tu viens de Machin? Tu connais Mule alors? »
Mule?

Gneuh.

Et puis à une de ces autres soirées avec ces autres gens tous plus ou moins les mêmes on était dehors à prendre l’air très frais j’entends quelqu’un roter je me retourne je rétorque que moi aussi j’aime seulement les miens sonnent ridiculeusement aigus et dégueulasses mais que l’on pourrait se faire un concours un de ces quatre. Il acquiesce et voudrait bien entendre ça, rien ne sort, ce doit être le trac, haha, il a froid, je lui propose ma doudoune blanche il accepte, est petit mais rentre difficilement des épaules il doit garder les bras un peu en l’air comme ça mal calés c’est rigolo. On parle peu on plaisante surtout et vaguement il me demande d’où je viens, - « de Machin », - « Machin? J’ai habité là bas », on se demande ce qu’on fait dans la vie, il me dit qu’il fait des chansons je réponds « c’est marrant ici il y a plus de chanteurs que de public dans la salle », c’est là qu’il me donne son nom. Mule. Mule, ça me dit quelque chose, on a dû m’en parler récemment mais va savoir qui, va savoir quand. Je réfléchis quand même, ça me turlupine. Et là je réalise que c’est du Grand Fou que me vient la référence, et je rougis -intérieurement, parce que bon- de m’être montrée si délurée avec n’importe qui qui n’en était pas un puisque cité par Grand Fou lui-même, l’unique, le magnifique Grand Fou qui m’émeut tant et m’intimide me retourne l’estomac et me coupe la faim. Pourtant sacrée, la faim.

A la fin de cette soirée là j’avais senti que Mule me regardait et attendait l’instant pour s’immiscer dans mon intimité, il y avait bien eu un moment où je m’étais retrouvée seule à une table, il avait commencé à s’asseoir en bout, l’air de rien, les doigts claquant sur la planche (de bois?) histoire de s’occuper un peu puis il s’était retourné vers moi, à l’instant précis où la personne que j’attendais s’était assise en face. Ca l’avait un peu refroidi.


[inachevé, sans suite, etc....]