Ecrit le 13.04.11 à 02h05 [1ere partie]
La prestation s‘achève, le monde évacue la salle et s’agglutine sur les quais, verres en main pour trinquer aux festivités chacun de leur côté. Je suis toujours avec ce gars qui m’accompagne partout dès que l’on parle de chanson française, il est un peu l’agenda des sorties de Paris incarné dans un corps humain. Je n’ai pas réussi à m’approcher de Grand Fou depuis que le jour s’est éteint et je n’aimerais pas me résoudre à partir sans lui avoir au moins présenté mes au revoir, lui dire à quel point je l’ai trouvé spécialement beau sous les lumières de son technicien, j’avais déjà préparé ma phrase au cas où « Esthétiquement parlant tu as été très bon ce soir. » c’était pour me motiver à aller lui parler lui avouer ce qui me démange depuis tous ces mois je ne pouvais pas passer à côté de lui il m’avait ébouriffée, éblouie durant cette heure où il avait été le chanteur et moi l’ébahie, il fallait cette fois que je le lui dise, que je me lance, un peu comme un ultimatum, maintenant ou jamais qu’on puisse classer l’affaire et arrêter de brasser de l’air durant les périodes de vide entre deux concerts il fallait, mais je n’ai rien fait.
Enfin si, j’ai fait l’autiste. Agrippée à mon téléphone appeler l’intégralité de mon répertoire pour un dernier espoir d’emmagasiner le courage nécessaire à l’accoster. Or le vent était contre moi la roue mal tournée, pas un seul instant de répit pour l’artiste, toujours une meute de louves enragées collées à ses basques, toujours du mouvement, des rires et pas d’espace pour respirer, il était déjà impossible pour moi en temps normal de m’amener à lui nonchalamment, alors m’insérer en plein milieu d’une conversation décontractée comme si de rien n’était, c’était beaucoup trop élevé pour mon niveau de cran négatif sur l’échelle des nombres relatifs.
L’heure passait sans crier gare et mon cerveau était sur le point d’exploser. J’avais déjà retourné un millier de fois la situation en mon crâne pour un même résultat, je n’y arrivais pas. A quoi ça pouvait bien servir d’attendre. Un miracle? L’annonce de la destruction du monde par une comète de plusieurs kilomètres de diamètre, vite la fin est proche profitons-en pour faire l’amour jusqu’à ce que mort s’en suive! oh mais non suis-je bête tu es déjà entouré de ton cortège de groupies tu ne sais pas qui choisir alors, c’est pas grave, on n’a qu’à remettre ça à plus tard, au paradis qui sait, ou pas, haha. De toute manière c’était la loose. Moi et mon pote on faisait potiches dans le décor, d’ailleurs il me demanda plusieurs fois s’il ne fallait pas s’en aller prestement boire un coup avant la fermeture des bars et des métros il devait être aux alentours de minuit. J’essayais au maximum de repousser les minutes fatidiques du départ, coup de bol les nanas de la première partie sortent des loges et mon pote les connait, alors ça l’occupe. On cause tous ensemble et j’enchaîne les blagues, ma foi, je devrais penser à en garder quelques-unes pour mes grands moments de solitude, sait-on jamais.
Va savoir pourquoi je suis si à l’aise en présence des autres que lui.
Une des filles a amené son mélodica fantaisie à gamme unique qu’elle a acheté dans un magasin pour enfant dans un pays exotique d’Europe de l‘Est (oui bon, bref) et pendant que tout le monde se presse à débarrasser le plancher pour la fermeture définitive du lieu et qu’à l’intérieur des voitures s’entasse du matériel scénique divers et varié, je souffle dans le jouet et ça fait passer le temps à la mesure de mes moyens. Les véhicules démarrent le petit groupe qui reste leur fait signe de la main, en fait il n’y a pratiquement que moi laissée sur le carreau, moi et le Grand Fou qui fait des signes aussi aux membres de son groupe qui lèvent le camp sans lui. Je suis étonnée. Je pensais sincèrement que ma chance de l’approcher s’en était allée en même temps que les quatre roues de son carosse. Mais il n’était pas dedans. Il n’était pas dedans et même qu’il était là, en train de se déplacer jusqu’à moi avec son sourire de petit garçon qui ne ferait pas de mal à une mouche, même bruyante et chiante. Il tenait son sac à dos vert pomme flashy de très mauvais goût (surtout quand on porte un costume deux pièces) sur ses épaules prêt à se rentrer dormir peut-être, sauf qu’arrivé devant moi il le posa à ses pieds prétextant qu’il était très lourd.
[à suivre...]
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aphone