J’ai encore espoir que tu m’appelles, quelque part. Que tu me fasses la surprise de m’écrire que tu désires toujours me revoir, se croiser sur les quais de gare, délibérément. Je ne perds pas le nord, envisage la capitale. Mon cœur a craqué pour ton veston rayé et ne peut se détacher de tes yeux blond noisette. Tu regardes ailleurs. Tu n’as jamais été à moi. Même si j’y ai cru, à nos débuts, j’y ai cru comme à un film bien ficelé  qui reste crédible, dont on ne cesse de se demander  « est-ce tiré d’une histoire vraie ? ». L’histoire elle est que je ne peux cesser de te trouver par hasard sur mon chemin, et l’impression qu’on va dans la même direction mais qu’on n’ira jamais ensemble. Je suis pessimiste ce soir. J’ai vu dans ces situations bizarres que cela ne menait à rien. A des coïncidences sans incidence.

Et c’est grave. Parce que je meurs un peu. Ne t’avoir que pour moi est un rêve qui prend fin. Pourtant, j’ai rêvé longuement. Je pensais être la belle aux bois dormant, et faire durer le plaisir pour une centaine d’années au moins. Capitonnée dans le blanc de mon étincelle. Je pense encore à toi et comme un air de déjà vu surfait retourné dans tous les sens pour choper le meilleur angle d’approche, c’est une sphère bordel, et rien pour se heurter, lisse, l’échange de regard, lisse. Il me suffit de te revoir. Clash. Dans mon estomac, les papillons sont des piranhas. Ils me rongent l’amour jusqu’au sang et me laissent inerte de l’intérieur.

Je n’ai plus rien en tête. Plus d’idée, plus d’espoir. Je ne comprends toujours pas pourquoi tu n’es pas parti de ma vie, comme ça, comme une brise, je t’ai pourtant soufflé dessus à maintes reprises, ça aurait été si facile, ne jamais se recroiser par hasard, si simple de t’oublier, les paupières closes les oreilles bouchées, les je t’aime éteins et les merci bonsoir. Allez, je n’ai plus d’alternative, je le sais. J’ai épuisé mes cartouches à chance et je joue sans vraisemblance à la roulette russe du destin. Des signes qui se succèdent comme des clics, j’attends celui qui fera boum et m'explosera l’âme, enfin.

Il ne reste plus qu’une chose à faire. Un seul domaine qui peut nous survivre, qui peut nous sauver. Je le sais, je le sais. Je ne voulais pas en venir à ces extrêmes là. Mais puisqu’il en est ainsi, je vais m’y mettre. A faire de la musique. Je vais monter sur cette estrade et te dévoiler mes mots, comme une grande qui connait son texte par cœur, qui ne récite plus, qui ne butte plus sur les phrases, qui connait son texte par le cœur et les maux. Je vais chanter. Etre ce que je dois être. Dans cette vie là. Je ne suis plus une belle aux bois dormant, je me suis réveillée. Et si désormais l’on doit se retrouver, ce ne sera nulle part ailleurs, ce ne sera plus un coup du vilain sort, une surprise mal calculée. Ce sera sur scène et ce sera normal.

Tu es en retard.