Ecrit le 06.06.11 à 04h05
Des fois je rechigne à aller dans un bar juste parce que je sais que le fait de dire que je ne bois pas d’alcool va entrainer une conversation pénible et non passionnante, suivie de tout un tas de justifications mettant en scène mon enfance, de mes principes à mon curriculum vitae. Arrêtez de demander aux gens pourquoi ils ne boivent pas. Je sais pas moi, remplacez ça par des chips et imaginez la scène.
- « Tu veux des chips? »
- « Non merci. »
Là forcément la personne insiste et reste bloquée devant toi te tendant le paquet à bout de bras, alors tu répètes.
- « Non merci mais je ne mange pas de chips. »
- « Quoi, jamais? »
- « Non. »
- « Du tout, même pas en soirée? Lors d’occasions spéciales? Un match, une célébration? »
Commence la très longue série de questions d’enquêtes consommateur.
- « Non, ou très rarement, si y’a rien d’autres à manger à la limite. »
- « Mais POURQUOI? Pourquoi tu manges pas de chips? »
- « Je sais pas….parce que j’aime pas ça? »
- « Quoi? T’aimes aucun chips? Même pas les chipster? Et les springles? C‘est à cause de tes convictions religieuses c’est ça? »
- « C’est trop salé. »
- « Et les chips aux crevettes des chinois, c’est pas trop salé ça va, tu pourrais en manger de temps en temps quand même, tu vas pas tomber malade pour quelques bouchées tu sais! »
(C’est fou quand même à quel point les gens essayent de te faire bouffer par tous les moyens ces putains de chips)
- « J’ai pas envie, c’est tout. C’est pas si compliqué à concevoir, si? »
- « Soit, mais tu veux manger quoi alors? »
- « J’ai pas spécialement faim pour autant. »
- « Il reste des cacahuètes. »
- « Arf merci, ça va. Je ne ressens pas spécialement la nécessité de me bourrer de biscuits apéritifs quand ils ne peuvent remplacer un véritable repas alors que je n’en apprécie même pas le goût. »
- « Bon bah….tu veux boire quelque chose à la place? Vodka, bière, coca? »
La prochaine fois, faites-moi penser à vous parler des conversations sur les drogues.
Commentaires :
Mais l'alcool c'est différent, j'aurais du mal à expliquer pourquoi, je vais tenter ...
Quand on boit on veut pas se sentir seul ou en décalage par rapport aux autres, on veut être un groupe soudé et plongeant tous à la fois dans l'ivresse. Si tu vois qqn qui reste tout seul sur le bord de la piscine et qui s'amuse pas avec toi, tu vas réagir de la même façon, tu vas le forcer "mais allez viens elle est bonne, vas-y tu vas voir c'est drôle y'a des bulles, allez ! hooo t'es chiante à la fin, t'as tes règles ou quoi ?".
L'alcool c'est pas juste une boisson comme du jus de fruit ou un soda, c'est surtout une boisson à effet, c'est l'amusement et l'évasion qu'on veut ressentir en buvant. Comme pour la drogue. Et si on va dans des bars à mon avis, c'est pour se sentir rassuré, voir que tout le monde autour boit et est bourré, comme un drogué aime aller en rêve ou dans des soirées où il sait qu'on pourra se droguer tous ensemble, sans que personne ne vienne te culpabiliser. Peut-être que tous ces gens qui te demandent absolument pourquoi tu ne bois pas, c'est parce qu'ils ont peur que tu les culpabilises de plonger dans l'ivresse, alors ils te culpabilisent avant pour que ça soit toi qui te sente différente, pas funky. Finalement j'ai l'impression qu'ils ont peur, ils sont paniqués à l'idée qu'on puisse passer cette soirée sans boire, qu'on va rester sobre jusqu'au sommeil, quelle galère ! La fuite, l'oubli, l'ivresse avant tout. Ca me rappelle ce fameux poème de Baudelaire :
Enivrez-Vous
Il faut être toujours ivre.Tout est là:
c'est l'unique question.
Pour ne pas sentir
l'horrible fardeau du Temps
qui brise vos épaules
et vous penche vers la terre,
il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi?
De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise.
Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois,
sur les marches d'un palais,
sur l'herbe verte d'un fossé,
dans la solitude morne de votre chambre,
vous vous réveillez,
l'ivresse déjà diminuée ou disparue,
demandez au vent,
à la vague,
à l'étoile,
à l'oiseau,
à l'horloge,
à tout ce qui fuit,
à tout ce qui gémit,
à tout ce qui roule,
à tout ce qui chante,
à tout ce qui parle,
demandez quelle heure il est;
et le vent,
la vague,
l'étoile,
l'oiseau,
l'horloge,
vous répondront:
"Il est l'heure de s'enivrer!
Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps,
enivrez-vous;
enivrez-vous sans cesse!
De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise."
Il faudra donc leur expliquer que tu peux t'enivrer d'une autre manière, avec la musique par exemple ? Ca me semble bizarre qu'on ne puisse pas comprendre qqn qui ne boit pas, ça prouve une grande faiblesse, une faille, ils ont peur de douter, qu'on détruise leur amusement ? c'est qu'ils n'ont pas vraiment confiance en ce qu'ils font, peut-être ?
Mais ça serait bien que tout le monde se tolère, que ceux qui boivent ne forcent pas les autres à boire, que ceux qui ne boivent pas ne regardent pas les alcooliques avec mépris. Que ceux qui se droguent n'entrainent pas les autres s'ils ne veulent pas, etc. Et puis que ceux qui boivent parce qu'ils ont des problèmes à oublier pensent à affronter leur problème sans l'alcool.
Merde, il m'a vachement inspiré ton texte aujourd'hui ! Ca me touche à vrai dire, j'ai longtemps été un peu comme ça, à adorer boire et à ne pas aimer ceux qui jugeaient. J'aime toujours boire mais j'ai changé ma façon de le faire, et je peux m'en passer sans angoisse.
Je te fais plein de gros bisous, j'ai hâte de te revoir et t'entendre à nouveau chanter ! Tu me manques, et Marseille aussi !
Re:
Goûtons voir si le vin est bon;
Goûtons voir, oui, oui, oui,
Goûtons voir, non, non, non,
Goûtons voir si le vin est bon.
Il y a tellement de chansons qui vantent les mérites de l'alcool, mais c'est vrai que j'en connais peu sur l'abstinence. :(
Une chose que j'ai remarqué, c'est que ceux qui ne boivent pas réagissent aux questions de la même façon que les lesbiennes. Remplace chips par mec, ça marche aussi. Ce qui ouvre bien d'autres questions...
Re:
Mais en terme de mode, tout vient à point à qui sait attendre, bientôt, ça nous guette...
Faudrait peut être par exemple que la virginité soit plus fun pour que ça arrive plus vite....et que ça rende guilleret...
De toute manière, c'est dans l'acte de ne pas faire quelque chose. Tu peux remplacer ça par mec, tennis, vote, tout ce que tu veux qui soit soumis à la majorité dans un groupe. Ce n'est pas un problème en soi. Ce qui est chiant, c'est d'avoir à se justifier de ne pas faire les mêmes choses que les autres. Tu es dans une soirée, les gens ne boivent pas d'alcool en majorité, on ne te posera pas de questions si tu refuses une bière. A l'inverse, si c'est toi qui pose des questions sur le pourquoi des choix de chacun de boire de l'alcool dans une soirée où il coule à flot, tu passeras pour une fanatique. On ne questionne pas les gens sur la légitimité de d'une décision lorsqu'ils sont les plus nombreux. Pourtant, ça n'a pas vraiment de rapport avec sa pertinence.
Re:
Ce n'est pas comprendre quelqu'un qui ne boit pas qui me dérange. C'est que ce soit une norme de sociabilité. Je suis quelqu'un de sociable. Mais si je refuse un verre d'alcool, je vais devoir prouver trois fois plus aux gens que je suis fun et plus bourrée qu'eux. Il suffirait que j'accepte le verre sans le boire et me le coltiner toute la soirée pour paraître soudain très sympathique. Ou me trimballer avec une bouteille de rhum remplie d'eau du robinet et servir des godets pour qu'ils trouvent ça bon (testé et approuvé). C'est de l'eau. Au bout d'un moment, ils ne font même plus la différence. Ne pas faire la différence, je n'appelle pas vraiment ça un choix. Cest gens là mentent, ils n'ont pas choisi l'alcool.
Mais bon, je me suis carrément écartée du sujet. Ce que je veux dire c'est que....pourquoi c'est si important? Qu'est-ce qu'on s'en fout sérieux. Y'a rien à prouver là dedans. Y'a pas de raison à avoir pour faire ci ou ça. Chacun est censé savoir là où il prend le plus de plaisir. Le plaisir c'est pas qu'un seul chemin et... Y'a trop de truc à dire et ça tourne facilement autour du pot.
Paris, du 18 au 22, quelque chose comme ça.