Ecrit le 18.06.05 à 16h15
Il m'a appelé.

Non, pas celui que vous croyez, ni l'autre. Pas même l'autre. Aucun de ces types ne prendrait le téléphone pour moi. Non, Legolas n'est pas comme eux.
J'ai peur, j'ai très peur, je stresse.
Quand je n'ai pas l'habitude qu'on appelle, je suis très mal à l'aise au téléphone.
Il m'a donné rendez-vous dans une heure.
En trois ans de scolarité, je ne l'ai jamais eu l’occasion de le voir entièrement seul en dehors des cours. Normal que je flippe.

Mais au final, ça s'est bien passé.
On est allé voir Crasy Kung Fu à la séance de fin d'après midi. A deux minutes avant le commencement du film, nous étions absolument deux dans cette salle de 180 sièges. J'en ai ris pendant bien 60 secondes. Les lumières se sont éteintes, le son était beaucoup trop fort. Ils nous prennent vraiment pour un peuple de sourds. Et puis comme ça, s'il reste encore des bon-entendants sur cette planète, quand ils iront au cinéma, ils pourront devenir comme tout le monde.
Le film a commencé, j'étais sereine et heureuse. Heureuse qu'il ne me fasse pas du rentre-dedans. Mais vers la fin de la séance, il m'a pris la main, jusque là posée sur l'accoudoir :
-" Ca ne te dérange pas j'espère?" a-t-il chuchoté.
J'ai souris. Ca ne me dérangeait pas, tant que ce n'était que la main. Mais les hommes ne comprennent pas cela, pour eux, ça veut dire quelque chose de spécial, pour moi, c'est juste la main. Ca ne signifie pas, par exemple, que je lui appartiens. Mais c'est peut-être dû au fait que c'est Legolas. Si ça avait été Maro, dans le même contexte, j'aurais palpité de l'intérieur. J'aurais sûrement agrippé celle-ci en pensant que cette fois elle n'était qu'à moi. De la possessivité. Alors je n'ai rien dit. Je l'ai laissé prendre cette main consciente qu'il pouvait se faire des films en plus de celui qu'il était en train de regarder. Je ne sais pas pourquoi, ça lui faisait plaisir et ça ne me coûtait rien. Ca me coûtera cher, à l'avenir.

Quand les lumières se sont rallumées, tout est redevenu comme avant. De la distance, à nouveau, établie par moi. Il n'a rien dit, rien tenté. Il m'a facilité la tache. J'aurais eu du mal à lui expliquer pourquoi je ne voulais pas, et pourquoi je ne savais pas. Puis on est allé à une fête de quartier pourrite, et on s'est séparé là. En fait, je l'ai un peu lâché, j’avoue, vu qu'il avait prévu de passer la nuit dehors....du coup ça se fera sans moi. Je suis restée quelques instants dans cette ambiance festive, à flâner entre les divers concerts, la foule, les gens esthétiques et éclectiques. C'est en été que l'on remarque que les gens autour de nous sont tous beaux. J'ai croisé mon coup de foudre visuel, l'homme tel que je voulais qu'il soit extérieurement. Il marchait le pas vif et désordonné, a demandé une clope au gars à côté de ma table. Si j'avais fumé, il me l'aurait peut-être demandé à moi…voilà la seule utilité que je conçois à la cigarette (c'est pour ça, en gros, que je ne fume pas). Il prend la clope cash dans le paquet du gars pendant qu'il continue de marcher, la porte à sa bouche pendant qu'il met l'autre main dans sa poche, en sort son briquet et du même geste, salue le gars en guise de remerciement tout en accélérant le rythme de ses pas avec allégresse, il est déjà loin. Quelle classe. J'ai subitement envie de me lever de la chaise pour lui courir après mais je me retiens. Fichue timidité de merde.

Pendant que j'essaye tant bien que mal à zigzaguer entre la foule, le monde se resserre, les corps se frôlent, le type de devant attrape ma main. Je ne réagis pas tout de suite car c'est une sensation très agréable. Le gars doit avoir la trentaine, je bredouille :
-"Heeeeeuuu...."
Il se retourne.
-"C'est ma main là..."
Il sursaute. J'éclate de rire. Lui aussi par la même occasion. Je remarque que la dame de derrière qui lui fait les yeux méchant est en fait sa compagne. Sans faire exprès je m'étais faufilée entre eux et il m'avait confondue avec elle. Drôle de mésaventure. Mais quand même, on ne choppe pas une main au hasard dans une foule en étant persuadé que c'est la bonne....
quoi que.....
....c'est peut-être ça, la solution.

Arrivée devant une scène quelconque, un spectacle de duo comique, je retrouve mon coup de foudre visuel. Je me pose derrière lui à une distance assez suffisante pour pouvoir l'observer de haut en bas. Lui, je préfère le regarder plutôt que le toucher. Il est vraiment une oeuvre d'art à part entière. Grand, mince, élancé, gracieux et maladroit dans l'allure., blond cheveux ébouriffés mais pas trop, plutôt court les cheveux, par rapport à mes exigences habituelles. Il a le regard bleu intelligent, et l'air malicieux, c'est un détail très important. Ses traits de visage font vraiment très classe, fins et affirmés à la fois, un profil dont on ne se lasserai jamais de regarder, en essayant de comprendre quel est cet ingrédient en plus qui fait qu'il est plus attirant que tous les autres. Un fut’ beige usé, un haut en coton mi-manche marin rafistolé dans tout les sens, qui tombe comme bon lui semble, au gré du vent, un look je m'en foutiste total du style "je mets la première chose qui me tombe sous la main et ça me va quand même". Comme je les aime. Et il dégage une aura intrigante, de ces gens qui pensent plus vite que le reste du monde. Cette description dans ma tête n'a pas duré plus de  5 secondes. Il est parti aussi vite qu'il n'est arrivé. Je l'ai aimé durant ce court instant.

C'est marrant. Tous les gens sur qui je flashe de cette façon, ont toujours un air de ressemblance. Comme si....mon cerveau avait emmagasiné des données, un schéma d'être, et sonnait l'alarme à chaque fois qu'un type se rapprochait de ce schéma établit par mon inconscient. Je sais apprécier la beauté de chacun, aussi différente soit-elle. Mais alors pourquoi je bloque toujours sur les mêmes?
 Au fond, c'est très intriguant, cette impression que mon moi-profond sait et qu'il recherche. Il cherche désespérément cette personne qu'il connaissait par cœur il y a bien longtemps, où même, qu'il connaîtra par cœur un jour. Et quand il croit qu'il trouve, il me prévient, et je bloque. Et bizarrement, les types qui me font cet effet, au fin fond de moi, me rappellent tous quelque chose, quelqu’un. Peut-être l'image de cet homme, mon futur âme sœur, l'unique, que mon inconscient se démène à retrouver de toutes ses forces....