Ecrit le 26.08.11 à 03h30
Dans les trois heures de pensées qui ont défilé à travers la vitre du TGV, je me le suis imaginé pas mal de fois. Il m’envoyait un de ces textos à la « je rêve où vous êtes en face de moi » alors que, c’est bien moi qui rêve, et ça pouvait se passer à la terrasse d’un café comme à la sortie d’un train sur les quais de la gare. Nous sommes le lendemain soir les lumières sont éteintes quand retentit la musique et mon orientation m’a toujours fait défaut, puisqu’il est derrière-moi. Dans le noir de la salle, discrètement fondu dans la foule, j’ai reconnu sa silhouette courte sur pattes, et mon cœur s’est remis à battre.

Ca ne m’étonne même plus. Le croiser au hasard d’une soirée dans la capitale? Banal au possible. Il ne manque plus qu’une coïncidence de dates et l’on rejouerait encore un vieux remake de nos premières rencontres. Je n’avais pas envie de le revoir. Pas envie de lui parler. Je n’étais pas montée sur Paris dans cette intention. Mais que voulez-vous, l’univers a aussi ses lubies tue-ennui. Persister à nous réunir dans une même pièce en est une. Grand Fou vient d’emménager sur Paris il y a de ça deux semaines, ce n’est plus si étrange. Et je ne sais pas ce que mon estomac reproche à ce jeune homme. Il refuse de travailler en sa présence, allant jusqu’à vouloir se débarrasser du boulot à peine accompli, une rébellion de la digestion, de l’appétit, va savoir quoi d’autre, je n’ai pas tout expérimenté.

Je suis partie en plein milieu de notre conversation prétextant aller me chercher un grand verre d’eau plate pour ne jamais revenir. Classe. Et pour finir en beauté avant de me rentrer en métro, Grand Fou discutant avec une amie, lui faisant un signe d’au revoir de la main je lâche avant de m’éclipser « je reste encore plein de jours, hein! ». J’ai senti ses grands yeux faire le merlan frit révulsé « mais c’est qui c’te folle » d’un cri intérieurement expressif. Rom, l’ami avec qui j’étais a posé sa main droite sur mon épaule pour me consoler du ridicule de la situation tout en menant la gauche à sa bouche pour s’empêcher de rire trop fort, se moquant sur tout le trajet du retour. Je suis maladroite. Je suis nunuche. J’ai un débit de deux phrases par heure dont une dont il aurait été préférable de s’abstenir. Mais voilà. Il n’y a que Grand Fou qui me met dans cet état. Et on ne peut pas vraiment appeler ça de la plénitude.

Or, s’embarquer dans des jeux qui rendent malheureux, c’est plus mon délire du moment. Même que j’en ai ma claque de courir après du vent. Alors c’est là, c’est sur. Plus intense qu’un quotidien de fainéantise bancal, plus saturé qu’une photo noir et blanc d’un souvenir poussiéreux d’amour de vacances, plus palpable que Léonardo Dicaprio, plus tridimensionnel que son affiche épinglée à mon mur. C’est là, en face de moi, pas très loin. C’est là mais c’est rien. C’est qu’une image matérialisée entre deux paysages derrière la vitre d’un train. C’est joli et ça ferait une belle histoire.
C’est tout ce que ça ferait.