Ecrit le 29.02.12 à 02h20
Je n’ai déjà plus d’image. Tout est parti au lavage, il a suffi que je frotte un peu.
C’est tellement simple. Se retrouver seule à nouveau, revenir sur ses pas, comme ça. Et le vide qui regagne du terrain. Son terrain, la solitude. J’ai ce vide qui s’est mis en colloc avec l’inspiration et ils cohabitent, ils ont décidé que pour l’instant, ils feraient tout ensemble, que c’était plus facile à deux. Le vide prépare la place à l’inspiration, qui elle le rend légitime. C’est comme ça que ça marche.

J’avais pourtant le chaudron qui bouillonnait, à l’intérieur. Un souvenir de vacances. Ca m’a accompagnée un peu, gênée parfois, comme un joli ras de cou un peu trop serré, un peu trop étroit, j’aimais le garder avec moi mais je le sentais, toujours là, comme un poids qui me pèse et m‘étouffe. J’ai peut-être pas la morphologie adaptée. Ou juste pas le cœur à ça. Qui sait.

Retour à la case départ. Sur la ligne. Je rate chaque entrée en piste, chaque début de course, je recommence, de plus en plus lassée de ressasser les mêmes gestes, machinale, les pieds sur le starter à attendre le coup de feu, essayer d’anticiper la levée, trop tôt, encore, et voilà. Ca aurait pu. C’est ce qu’on se dit à chaque fois.
J’ai tellement envie de courir que je ne parviens pas à attendre mon heure et me sabote toute seule, je le sais. J’ai fini par acquérir le réflexe de me rétracter avant même que l’on m’annonce ma disqualification. Comme s’il ne pouvait y avoir de surprise. La routine de l’échec dans toute sa splendeur.

Ce qui est dingue là dessous, c’est cette capacité infinie de l’être à mettre tout en son pouvoir pour un sursaut d’espoir, inlassablement, suivre l’étincelle avec la même ferveur qu’aux débuts, cette force du bleu naïf qui n’y a jamais cru aussi fort que pour la première fois. Puis revenir bredouille, la déception du vétéran au bout des doigts et la mémoire intacte qui n’a rien laissé derrière soi, chaque expérience une à une d’amertume, elles sont toutes là, s’entassent, te courbent le dos et ça n’a plus rien d’une histoire de bleu naïf, les défaites.

Alors ce n’est pas une défaite. Ce n’est qu’un passage. Une entracte. Je suis simplement pressée que le cours de l’amour reprenne. Je retourne dans la salle voir si rien ne se joue sans moi, mais personne. Pas de quoi compter. Et si je suis déçue, c’est à cause des nombreux aller-retour, c’est tout. C’est le trajet de ma vie, en zigzag. Je voudrais qu’il y ait quelqu’un qui m’attende au tournant. Et à chaque tournant, je regarde. Je me demande si ça va finir par arriver. S’il va venir. Je suis quelques fois découragée, mais je ne perds jamais le désir.
Qui que tu sois, je suis là tu entends. Trouve-moi, je t’en prie. Je n’ai pas le sens de l’orientation alors je suis peut-être déjà perdue. Cherche, dans des endroits improbables. Tends l’oreille, je suis en train de t’appeler. Et si je crie un autre nom que le tien, pas d’inquiétude, c’est surement que je ne t’ai pas encore reconnu. Continue d’avancer au son de ma voix, je suis indéniablement là.
A l’autre bout du tournant.