Ecrit le 30.07.05 à 02h50


Voici le récit d'une de mes journées ensoleillées de St Ambroix. Ca fait une semaine que ma copine et moi essayons de faire les marchés. Mais bon, comme on est un peu gourde, on a pas pensé à toute la paperasse qui allait autour. Du coup, couic, tes bijoux fantaisies, Dine, tu peux te les mettre là où la gendarmerie le pense. Néanmoins today, on a réussi à faire deux marchés. Bon, le premier, c'était une foire aux poulets et légumes, donc bon....voilà. Et puis le second, c'était à priori une nocturne qui s'annonçait sympathique, mais qui c'est surtout révélée par la suite dépeuplée et radine. Pour preuve, la professionnelle qui était à côté de nous a vendu une paire de boucles d'oreilles dans toute la soirée......à une de ses connaissances. Fameux.....
Résultat de la manœuvre : 2 portes clefs, 2 colliers et un haut = 19 euros, moins 3 euros pour le placier, le tout à diviser par deux, pour 9 heures de travail. Autant faire la manche, hein...
En fait, dans la matinée, j'ai un peu pété les plombs. Je commençais à imaginer des slogans marketing pour faire fortune sans me ruiner, du style " pour une boucle d'oreille droite achetée, la gauche est offerte" et plein d'autres trucs du genre. Et en fait, ça m'a tellement amusé, j'ai trouvé ça si ridicule que j'ai décidé de vraiment en faire des affiches, pour me moquer. Ca donnait ça (voir photo ci-dessous) (ouais en même temps, on voit pas grand chose...même quand on clique dessus pour l'agrandir) :



Bah y'avait des gens qui rigolaient même pas.
Des fois, j'ai l'impression d'être toute seule à comprendre mes private jokes.
En même temps, quand on voit à Intermarché rayon boucherie, des panneaux véridiques :
" 1 acheter = 1 gratuite "
Bah on se demande si les bouchers ne sont pas eux aussi de sacrés farceurs.
C'est comme pour ce manège qui tournait avec sa musique pourrie devant mes yeux. Quand la sonnerie d'arrêt de tour a retenti, j'ai eu une envie soudaine de sauter sur le cheval verni et de crier : "allez hue coyote, hue" en gesticulant nerveusement dans tous les sens jusqu'à ce que la machine ne redémarre. Mais on m'aurait pris pour une folle et ça n'aurait fait rire que moi, comme d'habitude. N'empêche que j'avais vraiment envie, fouuuh…
Des fois, il faut se forcer à rester normal. Je ne sais même pas pour quelle raison valable.
Vers minuit, quand ma copine et moi avons remballé le stand, nous avons fait un petit tour dans notre bar habituel. Les glaces sont bonnes, les cocktails rafraîchissants, et le sourire du serveur à tomber de sa chaise. Cash le premier soir j'ai su que j'avais une touche. J'allais pouvoir secrètement m'amuser à titiller ses nerfs. Mais il était mignon quand même. Je sais pas pourquoi, mais il faut toujours que je me mette ces petits parapluies colorés dans les cheveux, c'est un tic. En l'occurrence, cette fois ci, c'était un palmier argenté. Paf, je lance la mode. Je vois revenir mon serveur chéri avec un collier de fleurs en papiers multicolores. Il vient récupérer les coupes, me regarde d'un oeil suspicieux, capte, en désignant mon palmier :
-" Tiens, on fait l'hawaïenne?"
Je rétorque en lui montrant son collier d'un geste de la tête. Puis, immédiatement, à l'unisson :
-" Ben, on est assorti!"
Le même mot, en même temps. Si c'est pas de la parfaite synchronisation amoureuse, je sais pas ce que c'est. (cours de private joke dinesque : là Dine, dans sa dernière phrase, est en train de se moquer de sa grande capacité à trouver des signes révélateurs là où il n'y en a pas et de celle de tomber sous le charme du premier homme avec des jambes, une tête et des poils venu) (ou non, sans poil c'est mieux) (vous voyez, Dine est quand même lucide....parfois)
Et puis sur le retour, j'ai poussé ma pote à rester encore un peu.....je voulais suivre le serveur pour voir où il habitait. Bah quoi, ça aurait pu être rigolo!

Le problème, c'est qu'il y a un vieux type louche qui a débarqué. Il a ramassé une barquette en plastique vide et l'a jeté à la poubelle, en maugréant que les gens pouvaient se faire mal en glissant dessus. Il nous a regardé, nous a demandé notre age. Et là je me suis dit, merde, à cause d'un putain de bogoss sans cervelle, je vais me faire violer par un vieux moche qui a une jambe plus courte que l'autre. Puis je l'ai observée attentivement. J'ai lu son tee-shirt. FBI = Fabulous Bachelor Inside. J'ai trouvé ça mignon. Oui je sais, on ne juge pas une personne sur les inscription de son T-Shirt! Mais quelqu'un qui demande de regarder plutôt en son intérieur....ne peut pas être foncièrement mauvais. Je ne sais pas, j'y ai vu un signe du ciel (encore) qui me disait, en gros : "ne te fie pas à ce à quoi peut te faire penser ce type" c'est à dire à un sdf alcoolo noctambule pédophile mythomane, non, regarde ce qu'il a à l'intérieur. Non, pas au fond de ses poches....

Mais, j'ai essayé d'oublier mes préjugés relatifs à l'insécurité, et c'était vrai. Ce type m'inspirait confiance.
Alors, je lui ai dit mon âge. Il ne m'a pas cru. Il croyait que j'étais mineure. Et les mineurs, après minuit, n'ont rien à faire dans la rue, c'est Sarkozy qui l'a dit.
Ouais, je sais que je fais jeune, en partie parce que j'ai les cheveux pas coiffés et un visage sans maquillage mais quand même, je ne suis pas de ces filles qui se rajoutent des années pour faire plus grande, je ne l'ai jamais fait d'ailleurs. Alors, il a été forcé de me croire.
Il a commencé à nous taper la conversation. Il dit qu'il était une vraie terreur à la Croix Rouge, et nous raconte comment il a cassé la vitre du commissariat du village parce qu'il fallait pas qu'on l'embête. Oui alors là dans ma tête, c'est pas franchement une information qui rassure. Ma copine et moi je suis sure qu'on pensait la même chose. C'est à dire : on va mouriiiiir au secouuurs quelqu'uuuun!!! Mais le type ne remarque rien, je lui demande ce qu'il peut bien faire tout seul, à une heure aussi tardive. Il m'a répondu qu'il était insomniaque et qu'il n'aimait pas trop sortir la journée, avec tout ce monde et ce bruit qui parasitait ses oreilles. Mieux vaut être seul que mal accompagné. Puis comme ça, il pouvait en profiter pour nourrir les petits chats des alentours.

-" Y'a des chatons ici?" m'étonné-je.
-" Oui plein! Ca grouille de chats errants la nuit, puis comme ils n'appartiennent à personne, il faut bien que quelqu'un aille leur donner à manger! Vous voulez aller les voir?"
-" Heuuu....c'est où?"
-" Là, dans une rue juste un peu plus loin il y en a quelques uns, sinon il faut un peu plus marcher, vous venez?"
Là, je me tourne vers ma copine qui me lance des regards à la "si tu dis oui je te tue...."....alors vous pensez bien que moi, j'ai répondu au gars :

-" Bon d'accord!"

Ma pote a failli s'étrangler intérieurement, elle a du déjà se voir pendue la tête en bas, mutilée sur un crucifix, les habits en lambeau mais peu importe.
-" On fait juste un petit tour, y'a pas à avoir peur." nous précise-t-il, au cas où.
-" Je sais. C'est pour ça qu'on vient."
...
Oui bon en même temps j'en était pas sure-sure non plus....j'avais p't'être mal lu sur son tee-shirt, p't'être qu'il y avait marqué FKI = Fabulous Killer Inside
...où je ne sais quoi d'autre.
Tout ça pour dire qu'on l'a suivi quand même. Il nous a demandé nos prénoms, puis il s’est poliment présenté :

-" Moi c'est Jean-Pierre, mais appelez moi Billy."

Véridique. J'invente pas je vous jure.
Bref Billy the Kid nous emmène dans une ruelle sombre en nous certifiant qu'on y est presque. Et là, il sort un canif de sa poche qu'il commence à contempler.
Y'a mon cœur qui fait un tour sur lui même, ainsi que mes jambes qui se mettent à dangeureusement flageoler.
Pourquoi j'ai dit oui ? Pourquoi j'ai délibérément accepté de l'accompagner? Aie alors par où est ce que je vais m'enfuir une fois que je lui aurais donné un violent coup dans les coucougnettes?

Billy fixe ce joli truc pointu qui brille et qui fait peur :
-" J'a toujours mon canif sur moi. Comme ça je peux couper les bouteilles en plastique que je trouve dans la rue pour verser le lait aux chats."

Haaaa.....sérieux?

Ha Ha c'est vrai que ça sert uniquement à ça un canif, suis-je bête! Bon, ils sont où ces minous, et qu'on en finisse! J'veux m'barrer d'ici et vite! C'est marrant de jouer avec la mort, mais pas trop longtemps non plus, hein....
Le gars ramasse tous les déchets qu'il trouve et les fout à la poubelle, se plaignant que les gens ne font aucun effort. Puis il trouve un brassard de bébés qu'il restitue à un voisin et me parle de musique. Il joue de la guitare, du piano, de l'orgue, et un peu de batterie, il monte un groupe dans le village voisin, dans un garage. Pour la guitare, je sais que c'est vrai, mais pour le reste.....ma foi.

On a pas trop vu de chatons à l'horizon, mais c'est pas la bonne heure, parait-il. Billy nous explique qu'à St Ambrois, quelques années auparavant, il y avait une trentaine de chats par rue à nourrir et qu'ils lui venaient tous dessus lui lêcher dans la main. Ben voyons.... Tu viendrais pas du Sud toi, par hasard?
Je regarde ce type bizarre me parler, quelque chose se passe, indescriptible. Ma pote marche à trois mètre de nous, de peur d'attraper la peste, et je suis sûre que comme elle vous me prenez pour la pire des inconscientes. Mais vous n'avez pas raison. Ce Billy, je l'ai vu dans ses yeux, quand il m'adressait la parole. Il ne me fera aucun mal. Pas ce soir en tous cas.

On arrive près de l'Eglise. Deux voitures sont arrêtées sur le parking et les types parlent entre eux. Billy les suspecte :
-" Restez là les filles, ils sont louches eux là bas, c'est pas normal, je vais aller voir ce qu'ils font."
Le justicier masqué vole vers les malfrats mais ceux-ci démarrent leurs tacots illico presto. C'est la menace de Super Billy qui a du les faire fuir.....hum.
Billy revient bredouille mais il oublie vite l'affaire quand il entend des jeunes hurler de la fenêtre d’à côté, à l’étage au dessus.
-" Ils font un peu trop de bruit ceux là. S'ils se calment pas, c'est moi qui vais monter les calmer."

Je rigole. Il s'étonne de ne pas être pris au sérieux. Alors il se rapproche de nous, baisse d’un ton…
-" Bon, je vais vous avouer un truc. En fait, je suis policier."

Quoi, tu fais le 5e des Village People?

-" Non, sérieusement! C'est un secret, personne ne doit le savoir, je suis ici en civil mais en fait, je suis policier, pour de bon !"
Je souris. Il se justifie.
-" Hey, c'est vrai!"
-" Je te crois."
L’ai-je rassuré.

Puis c'est l'heure des aux revoirs. Billy nous surveille de la rue d'en face, rentrer chez nous sans encombre :
-" J'ai peut-être une jambe plus courte que l'autre, mais je cavale pour deux."
S'il y a le moindre pépin, je sais qu'il viendra nous sauver, Super Billy. Et sur les marches de notre appartement, je me retourne une dernière fois pour le saluer, qu'il ne  s'inquiète pas. On devait se revoir nous et lui le lendemain pour qu'il nous montre la région mais ma copine est intransigeante, c'est hors de question. Dommage.

Billy....vous pouvez le croire ou pas.
Vous foutre de sa gueule, ingurgiter ses salades en lui riant au nez, où encore passer votre chemin, et la fin de cet article. Vous pouvez penser ce que vous voulez. Vous êtes libres. Moi je le crois. Parce que je le respecte. Je préfère ne pas me poser de question et écouter. Pour ne pas ternir ces beaux souvenirs. Et me rappeler d'un Billy pas comme ma raison me pousserait à le voir, mais comme je l'ai vécu. Billy, le policier justicier, à la solde de trente six chatons à nourrir, et avec un cœur.... gros comme ça.