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Attendre qu'un ange passe
--> Et c'était mieux comme ça

Ecrit le 30.12.10 à 15h50
- « Puis on voit bien que ce ne sont pas des chansons qui transpercent, qui touchent directement l'âme, c'est l'auditeur qui doit s'approcher pour aller gratter les couches et trouver l'émotion, parce qu'il y en a une mais qu'elle est en profondeur. »
- « Oui, c'est ce que je cherche. Une réciprocité dans l'échange. »
Au fur et à mesure que j'argumentais je le voyais sourire lorsqu'il donnait sa réponse et me regarder dans les yeux, brièvement, l'étincelle vive mais fébrile.
Pour le reste, lorsque je m'osais à lui dévoiler un peu de ce que j'avais ressenti tout ce mois de décembre à l'écouter chanter, ce n’était pas le mur de Berlin qui se reconstruisait mais, comment dire, tout son corps qui tendait à signifier qu’il lui fallait fuir, loin des aveux, petit à petit sa tête se désaxait de la conversation et son buste se retournait, ses pupilles fixaient le sol derrière le comptoir qu’il était bientôt complètement dos à moi initialement en train de lui confier ne serait-ce qu’un peu de mon intimité, aussi.
- « Bon je vais arrêter de te saouler avec mes phrases à rallonge, je crois bien que je t’ennuie. »
- « Mais non, non, absolument pas. »
Ah.

Ca n’a pas aidé à faire repartir la conversation pour autant. Il n’empêche qu’elle est étrange, cette gêne immense qui l’habite. On était là côte à côte à ne plus oser s’adresser la parole, regarder les autres en plein dialogue, eux, la chance, comment ils font qu’ils nous initient, de temps en temps certains se tournaient vers nous partager quelques phrases ils devaient avoir pitié de nos silences. Je me souviens bien à quel point les gestes nous trahissaient, je commençais figée par me gratter la nuque, le dos, les cheveux, tout l’être se démangeait sous mes doigts de ne rien tenter de trop fou qu’il se grattait lui aussi le front, le crâne, se frottait le ventre des réflexes par miroir se répondant l’un l’autre pour finalement se retrouver face à face à se fixer connement se gratouiller de tous les côtés. On avait pas l’air débiles.

Mais c’est quand même lui qui s’est avancé vers moi en premier. Comme la fois d’avant, il a intercepté mes yeux en train de lui sourire et a immédiatement quitté les groupes pour se diriger vers moi, comme s’il n’avait attendu que ce prétexte. C’est aussi lui qui a posé sa main sur mon épaule pour me souhaiter bonsoir la mine réjouie :
- « Tu es de retour! »
- « Non, tu vois bien que je ne suis pas là. »
A lâcher un « formidable » et autres niaiseries de contentement mais je crois que ça fait surtout partie de sa façon propre de communiquer.

Il faut dire que ce n’était pas gagné d’avance. Lorsque je suis rentrée dans le bar il était posé au comptoir j’ai fait semblant de ne pas le remarquer je ne voulais pas lui imposer trop fort ma présence. Je ne sais pas s’il m’a aperçue à ce moment là mais dès lors il s’est éclipsé dans les cuisines pendant plusieurs minutes à l’abris des gens pendant que j’attendais que l’on m’amène à ma table. Puis lorsqu’il est revenu j’ai entendu les serveurs lui demander si ça allait mieux, comme s’il s’était soudain senti patraque, il a ensuite passé la plupart de son temps assis seul dans un coin derrière le comptoir la tête dans la lune, plus loin même, sur Uranus ou Neptune, par là bas. Il a mis une bonne demi heure avant de se présenter à moi me taper la bise mais il aurait aussi pu ne pas le faire que ça ne m’aurait pas dérangé. A vrai dire moi-même je ne sais jamais comment m’annoncer aux gens.

Le concert était comme à l’accoutumée, vibrant. J’ai aimé qu’il parle de chanteuses en précisant un « je sais qu’il y en a ce soir dans cette salle », et que dans un moment de folie il saute de la scène monter sur ma table faire le kakou à risquer de piétiner tous les verres. Sauf que cette fois-ci, il ne me regardait clairement pas. C’est aussi parce que j’étais trop près, tout devant, mais c’est pas comme si j’avais choisi ma place. Je pouvais voir distinctement sa pudeur se lire dans ses yeux et l’émotion déborder peu à peu de ses rétines jusqu’à les faire briller lorsqu’il chantait « où sont tes d0igts je m’aperç0is que je me tiens la main tout s€ul » les gens peuvent bien rire à ses phrases tordues je l’ai senti qu’il était sérieux, qu’elle lui tenait à cœur, cette chanson.

Concrètement, ce fut quand même un échec. J’aurais peut-être dû le prévenir de ma venue, finalement. Même si je ne vois pas comment il aurait arrangé son emploi du temps pour moi. En même temps je n’aurais jamais imaginé qu’il eut envie de me revoir alors. Je peux bien tout envisager.

Un chanteur suisse apparemment assez célèbre s’était déplacé pour l’écouter ce soir là et quand j’ai demandé à Grand Fou s’il avait du temps le lendemain pour éventuellement se rencarder il m’a expliqué que ce type là l’avait invité à déjeuner et qu’il reprenait le train juste après. Je vous raconte pas la déception. Il m’a ensuite avoué qu’il avait fait nuit blanche la veille car il était allé visiter son meilleur ami à la campagne et qu’il était étonné de voir ce soir autant de gens qu’il connaissait, beaucoup de potes à lui s’étaient déplacés pour lui faire la surprise et il ne faisait que jongler entre les tables et les vieilles amitiés. Difficile de m’accorder du temps en somme. Néanmoins il était là, à mes côtés, sans dire mot, à attendre qu’un ange passe. Des amis lui ont demandé ce qu’il avait prévu de faire pour le réveillon du nouvel an.
- « Oh, rien. »
- « Ah, ben viens faire la fête avec nous alors, on te convie! »
- « Non, c’est-ce que j’ai prévu de faire. Rien. »
Je me sens con d’y avoir cru.

Et pourtant je sentais son regard partout sur moi. De loin, assis à une autre table, à épier ma rose dans les cheveux pendant qu’il répondait aux questions, ses yeux qui valsaient dans ma direction et se remettaient à leur place dès que je le prenais en flagrant délit d’espionnage. Ils étaient tous à moi ce soir là. Tournée de champagne, je ne savais plus où tourner de la tête, ni même la tourner. Au fur et à mesure, j’essayais de me persuader que j’étais bien là, auprès de tous ceux qui n’étaient pas lui, à plaisanter et fanfaronner avec la maisonnée. J’étais chez moi.
Mais je voulais être chez lui.

Il est parti avant la fermeture, il disait qu’il était trop crevé de ne pas avoir dormi la nuit dernière. Alors il a commencé à entamer la ronde des bises, et il l’a terminé par moi. Comme j’étais un peu pompette, je l’ai embrassé sur la joue et lui aussi, a rapproché ses lèvres. Et c’était mieux comme ça.


Ecrit par Dine, le Lundi 6 Juin 2011, 16:19 dans la rubrique Actualités.