Il m'a reparlé. Il s'est mis à me sourire et à plaisanter comme si nous étions retournés deux ans et demi en arrière, à l'époque où nous nous aimions secrètement et réciproquement.

Au début, il ne voulait pas venir, mais il était le seul délégué suppléant de disponible alors.....

Moi qui ne voulais en aucun cas tenir ce rôle de délégué des élèves (j'ai quand même été élue en traître par toute la classe parce que personne ne voulait se présenter...), finalement, je suis bien contente. C'était le prétexte parfait à ce que je me retrouve un minimum seule avec lui. Enfin.....seule, disons plutôt sans ses potes. J'avais envie de voir s'il me détestait vraiment. Et si sa conviction suprême était de me faire la gueule à vie.
Mais il m'a étonné. Il s'est tourné vers moi et m'a adressé la parole, m'a fait part de ses opinions en écoutant les miennes, a ri avec moi et m'a regardé avec des yeux qui ne me reprochaient plus tous les malheurs du monde. M'a soutenu complicement tout au long de ce conseil de classe. Et j'en avais besoin. Vu que je me suis un peu insurgée contre tout le monde et leur mode de notation. Et de l'injustice qui fait qu'un élève sérieux qui a bossé dur et cartonné pendant deux années, à cause d'un problème grave personnel, se retrouve la troisième année avec un bulletin totalement pathétique qui lui ruine tout espoir de choisir l'orientation qu'il mérite pour son futur. Je ne supporte pas l'injustice. Et quand je me suis rendue compte que ce pauvre élève allait se retrouver abandonné à son triste sort, les larmes me sont montées aux yeux. J'ai rigolé nerveusement en sortant un : "oh non, ça y est.....". Mais mon Ex était là, tout près. Et il m'a envoyé plein d'ondes compatissant à ma peine, son regard attendri posé sur ma personne m'a réconforté. J'avais l'impression de le retrouver, comme avant. Je me suis souvent dit que j'avais aimé la personne qu'il était il y a deux ans, et que mon problème était que je le voyais toujours tel qu'il était à cette époque, pas tel qu'il est maintenant. Que je ne pouvais me résoudre à ce qu'il ait pu changer. Que malgré toutes les crasses qu'il pouvait me faire (parce qu'il m'en a faites un paquet, lui aussi), je pensais toujours à l'homme qu'il avait été. A l'homme que j'avais aimé, éperduemment.

Aujourd'hui, il est assis à côté de moi, et j'ai l'impression qu'il n'a en réalité pas changé d'un chouia. Qu'il demeure encore et toujours cet homme de mes souvenirs. Il ne s'était plus présenté à moi sous ce visage....depuis plus de deux ans......mais maintenant, il a enlevé sa barrière de protection anti-Dine, qui m'empêchait de l'approcher à moins de trois mètres de distance. Il est lui, devant moi, et d'un coup, je me sens si proche.....que j'en ai des palpitations. Je me sens revivre un certain épisode de ma vie, où j'avais encore le droit de le regarder. Tous ces petits bonheurs me reviennent peu à peu......et me paraissent soudain accessibles.
J'ai envie de le tenir par la main.

A la fin du conseil, il a filé.

Moi, je continuais à discuter avec ma prof d'archi jusqu'au portail de sortie quand je l'ai vu tout seul qui attendait. Nous nous sommes approchés et il a pris part à la discussion, jusqu'à la fin. Puis la prof est partie, il m'a dit au revoir et a tracé vers la station de métro sans se retourner. Je me suis alors rappelée les fois où je m'asseyais sur le banc à côté de chez lui, attendant pendant des heures ce bus qui ne correspondait pas à mon trajet, simplement pour le voir passer une fraction de seconde dans cette rue qui menait à son appartement......J'attendais désespéremment jusqu'au dernier bus qu'il retraverse cette ruelle dans le sens inverse. Qu'il s'approche de mon banc et qu'avec sa voix pleine de regrets il me dise finalement :
-"allez......viens."
Ce qu'il lui était arrivé de faire.


Des fois, j'ai l'impression que derrière toutes ses carapaces de haines, c'est lui qui est dorénavant assis sur ce banc. Et que patiemment, il attend le jour propice, celui où il ne m'en voudra plus, où il acceptera que je lui tende la main et lui dise enfin :

-"Allez....viens. Recommençons à zéro. Aimons nous comme avant, aussi intensément.....parce qu'au fond, toi et moi le savons. Rien n'a changé."