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J'irai pas saisir les opportunités
--> L'art et la manière de repousser le vide
Ecrit le 19.10.10 à 02h45
C’est toujours ces foutues mêmes histoires.
Quand les enfants lui demandent en chœur pourquoi il a ce ruban rouge qui enserre ses cheveux, il répond que c’est parce qu’il est amoureux. Je ne sais pas trop quoi penser, ce n’est pas faute pourtant de lui avoir répété, d’avoir mis les choses au clair et posé cartes sur table dès le départ, de peur de laisser les histoires s’entrevoir malgré elles. Toi et moi, c’est mort avant même d’y avoir pensé. J’aime beaucoup nos discussions, nos délires, le temps que l’on passe chacun à nos côtés mais tu ne me plais pas. Pire, ton odeur me répugne. Me donne la nausée, pour rien au monde je n’oserais t’embrasser, c’est comme ça, c’est inscrit dans notre adn. Pas compatible. Non associable.

« Je ne coucherai pas avec toi, ni par faiblesse ni même par pitié. »

Je suis même allée jusqu’à lui sortir cela, lui exprimer l’ampleur de mon dégoût viscéral envers sa personne. J’éloigne les gens pour qu’ils ne se frottent pas trop au mur d’épines qui me pare par ces vents d’hiver mais rien ne fonctionne réellement. Tihaï l’avait vu pourtant, le deuxième effet de s’attacher à ma peau, il avait
l’exemple de Ray en face de ses orbites tous les jours depuis un moment maintenant, il avait Ray et ses plaintes, son mal-être, ses jalousies mais ça ne lui a pas servi de leçon. Il a voulu expérimenter par lui-même. Quand j’ose à peine le regarder dans les yeux et qu’il me lance un « je suis en train de tomber amoureux » je lui réponds « dégage », qu’il me gêne, me met mal à l’aise avec ses sous-entendus et déclarations à deux balles alors il se marre « tu y as vraiment cru? » joue le coup de la farce, m'induit en erreur, se lève, fait quelques pas hâtifs en souriant avant d’ajouter « n’empêche, dégage c’est pas ce qu’on est censé répondre à quelqu’un qui te dit qu’il tombe amoureux ». Certes.

J’en viens à des extrêmes mais c’est parce que tout tombe à l’eau, que quelque puisse être ma réaction elle n’a pas d’emprise sur sa réinterprétation et Dieu sait que ça s’en donne à cœur joie, de l’autre côté. L’imagination. La mise en exergue. C’est chiant. Et puis en même temps, c’est toujours un peu de ma faute aussi. Lorsqu’il croise des amis à lui dans ce magasin de bricolage il en profite que j’aie le dos tourné pour leur annoncer qu’il est là pour acheter des vis afin de réparer le lit que l’on vient de craquer alors que c’est pas vrai, c’est le fauteuil bon sang, le fauteuil, et quand je suis revenue ils me lançaient des coups d’œil plein de compréhension mal placée et de mièvrerie comme quoi c’est beau l’amour dans ses prémices et ça l’amuse lui, de faire croire à tout le monde que je suis sa copine et que l’on a une vie sexuelle palpitante. En même temps, il continue à me dévisager avec son  regard d’enfant, me faire des compliments, me dire que je l’ai troublé « il n’y a que toi pour penser encore que je blague » et disperser les phrases par des sourires moqueurs plein d’ambiguïté. Où est le second degré? Je suis perdue. Que dois-je croire? Et qui? Lui? Mais c’est qu’il n’a rien compris alors. Je ne pensais pas pouvoir être plus claire que ça. Et tous les jours lui rappeler qu’il ne me plait pas au point d’en faire un puit à complexe, un jeu sadomasochiste où c’est moi qui tient le fouet. Il me dit que je le malmène. Et moi je culpabilise un peu.

Il n’est pourtant pas moche. Et même plutôt charmant. Le genre de type qui aurait de quoi m’attirer en règle générale. Vous savez, les surdoués, les trucs du style. Il est là, en train de plancher sur sa thèse métaphysique, lui et ses mots que je lui fais sans cesse répéter, expliquer, pour pouvoir suivre sa ligne de pensée qui parfois m‘enchante lorsqu‘elle me perd. Ce serait le genre de choses qui tendraient à m’émerveiller d’ordinaire. Et puis c’est un musicien hors pair, un vif d’esprit, plutôt drôle mais à l’humour extrême, aux envies envolées. Et en même temps, il ne boit pas, ne fume pas, à des buts qui se mêlent au spirituel. Est un peu magicien, lui aussi. Non vraiment, c’est inexplicable cette répulsion qui m’anime quand son odeur vient heurter la mienne.

Mais j’y peux rien, c’est comme ça. Il ne me plait pas.

Moi je bave sur son entourage. Sur
Bulle et ses yeux emplis de malice, ses vannes décalées, son esprit absurde, son air réservé. Sa copine. Tout ça tout ça.
Je bave sur des gens macqués. Et je me dis qu’ils font de beaux couples, que c’est tant pis pour ma gueule. Que j’irai pas saisir les opportunités, ni même l’éventualité de me les créer moi-même. Que c’est la vie qui veut ça et que c’est juste pas le moment. Suffit d’attendre son heure c’est tout. Alors j’attends. J’essaie de regarder ailleurs.

Ecrit par Dine, le Vendredi 15 Avril 2011, 02:05 dans la rubrique Actualités.