Ecrit le 14.09.05 à 22h45
J'ai cru que mon cœur allait s'entre-déchirer en plein de petites parcelles non raccommodables, lorsqu'elle s'est mise à crier du balcon qu'ils l'avaient écrasé, pour la deuxième fois. Le petit chaton dans la rue, qui gisait au bord de la gouttière. Ma mère qui commence à pleurer face à ce triste spectacle, alors qu'elle n'est même pas capable de descendre les escaliers pour le ramener à la maison. "Je ne veux pas avoir à m'occuper en plus d'un chat ici." prétexte-t-elle. Alors tu préfères le laisser crever par terre, comme tous ces gens qui passent dans la rue, en se contentant d'éviter de marcher dessus, pour pas salir leurs chaussures de son sang.

-"Vous n'avez pas de cœur." craché-je face à la passiveté de chacun, sortir en courant, voir s'il n'était pas trop tard. Couché sur le trottoir, j'ai cru un instant qu'il ne bougerait plus. Mais il a marché jusqu'à moi, de quelques centimètres. Cette petite boule de poils qui chancelle, si douce et tendre, si frêle et fragile, je suis émue. Et triste de voir l'état dans laquelle les hommes l'ont roulée et piétinée. Si injuste...
Incapable de la prendre dans mes bras.
Bonne à rien, idiote, crétine. Je croyais que ces choses là ne s'apprenaient pas, mais moi et les chats, je ne sais pas entamer le dialogue, ni les approcher. Et maintenant que le temps presse, je me sens seule, dénuée de toute utilité.

Je repars en courant, vais chercher une serviette, un tee-shirt, quelque chose avec quoi je puisse le tenir, en dehors de mes mains nues. Et quand je suis revenue, elles étaient là, ces deux jeunes filles pleines de bon sens. L'une l'avait pris sur elle, mais le chat avait encore la force de se débattre, et quand elles m'ont vue mon tee-shirt en main, elles ont tout de suite compris qu'il lui était destiné.
-" C'est ton chat? Qu'est ce qu'il lui est arrivé?"
Je l'ai pris dans mes bras, il s'est tout de suite calmé, drôle de sensation. Il saignait de la bouche et du nez, et devait avoir une patte cassée.....il était encore si jeune. On a marché les filles et moi, jusqu'au vétérinaire. Le petit miaulait de douleur durant le trajet, mais je le tenais précieusement contre mon corps, comme d'une maman à son fils. Je n'avais jamais fait cela auparavant.

Le veto l'a gardé pour l'hospitaliser. Espérons qu'il n'ait pas de traumatisme crânien grave.....je m'en sens tellement responsable. Une des deux jeunes filles s'est portée garante pour le ramener chez elle s'il se remettait sur patte. Pourvu qu'il s'en remette, pauvre petit....ça me fait tellement de peine. J'ai filé mon numéro de téléphone aux filles, elles m'appelleront pour me donner de ses nouvelles, elles sont sympas. Heureusement qu'ils sont là, les jeunes, à se sentir un minimum concernés par la détresse d'un simple chaton. Parce qu'un jeune, c'est fougasse et irréfléchi. Un jeune, ça ne pense pas... "Qu'est-ce que je vais en faire plus tard? Quelles croquettes vais-je devoir lui acheter? Quels vaccins?"....ça constate juste ce qui est en face de lui. Il a mal. Et qu'est ce qu'on fait quand il a mal? On soigne. On ferme les yeux? Libre a vous d'agir comme bon vous semble, messieurs les sans-cœurs. Quand vous agoniserez dans votre souffrance, crachant tout votre sang sur le béton armé, je changerai de trottoir. Le sang, ça tache, je voudrais pas salir mes nouvelles godasses, mes frères.

Sur le chemin du retour, j'ai croisé ma mère, un panier en oseille à la main. Elle me cherchait, elle avait passé tout son temps à fouiller la maison pour retrouver sa carte bleu....pour payer le vétérinaire, au cas où. Qu'est-ce que je disais.
-" Et beh dis donc, le chat il a le temps de mourir trois fois avant que tu n'arrives!"
Et je lui raconte, j'ai trouvé des filles qui se proposent de l'adopter provisoirement et...il faudra attendre minimum demain pour avoir un avis concernant sa santé. A cela j'ajoute :
-" Tu vois, il était pas mort, on a pu l'emmener chez le véto, c'est pas si grave..."
Et ma mère grimace. Ca lui fait toujours ça quand elle se retient pour ne pas pleurer en public. Le problème avec ça, c'est qu'elle pleure de toute façon mais qu'en plus, elle est moche. Elle sanglote :
-" Tu sais très bien que je ne peux pas supporter de les voir souffrir...et qu'après si j'en ramène un à la maison, je m'attache et je ne peux plus le laisser partir."
Oui je sais maman. Je le sais, parce qu'on est pareille toi et moi. Allons donc, ne pleure pas. Moi je n'ai pas pleuré, je me suis retenue, alors ne pleure plus. Et rentrons chez nous, le panier vide. Tant pis, on n'aura pas de nouveau compagnon pour cette fois ci...

J'aurai au moins fait ce que j'aurai pu.