Ecrit le 11.05.09 à 16h30

Danser pieds nus sur le parquet de la salle Ravel. Mais c’est du Schubert qu’il est en train de jouer. Sur le piano à queue déchiffrer. Assis avec lui sur ce même siège, il me dit que quand je suis à ses côtés les notes se retiennent plus vite. Ce qui fait que seuls dans cette grande salle interdite au public je me sente si bien et en confiance c’est sa manière implacable d’être dans sa répétition, de rester fixé sur les touches et moi sur la partition. J’ai soudain l’impression d’être comme chez moi, alors je me déchausse et je danse, je n’avais plus dansé sur du piano classique depuis si longtemps.

Schubert, quelle coïncidence. C’est son compositeur préféré. C’est ce qui nous relie ici tous les trois. Blues aime Schubert, Fabulous le joue, moi je le danse. J’ai encore ce défilé de mélodies de main gauche que l’on a essayé d’apprendre par cœur, nos jambes collées l’une à l’autre. Ca me rappelle des souvenirs étranges. On a tous les deux au moins ce point en commun. On aime Blues d’un amour privilégié. Il est son ami le plus proche et le plus ancien, il est celui qui se préoccupe et se soucie réellement de lui, il est son compagnon de bêtises, son confident, il sait des choses que je ne sais pas. Mais je sais des choses qu’il ne sait pas, je réconforte Blues, je le console, je le suis, je suis sa partenaire en tout, je suis une moitié récente de lui. A nous deux, Fabulous et moi, on devrait sûrement parvenir à réunir ce que Blues a pu donner de plus intime.
Mais est-ce pour ça que l’on se prend soudain la main ?

Et marcher dans les métros de Paris bras dessus bras dessous. Et me faire tournoyer dans des grands éclats de rire, m’enlacer tout en parlant d’autre chose, manger ce magnum triple chocolats à deux, se caresser les phalanges et comparer nos doigts de pianistes. Se reposer l’un contre l’autre dans le Rer tout en évoquant à quel point Blues est un être auquel on tient respectivement. C’est un peu hypocrite sur le moment. Mais c’est un bon bouclier. Enoncer le sujet c’est un peu empêcher les désirs de franchir les limites permises. C’est seulement s’embrasser sur la joue sur le quai de la gare, même si c’est un baiser retenu. Il ne peut en être autrement. Fabulous est un homme intègre. Ce n’est qu’un peu de tendresse, pas de l’attirance. C’est tout l’amour que Blues a pu me donner et qui parfois déborde sur les autres.
Et puis c’était Paris et une toute autre atmosphère.
Lorsque nous retournerons chacun à la maison à ce moment là tout rentrera dans l’ordre.

Et puis, il la jouait vraiment trop vite cette sonate.