Ecrit le 09.12.10 à 16h30
[1ere partie à lire ici]
A nouveau seuls sous la pluie fine. Mais pas pour longtemps. A peine mettons-nous un pied dehors qu’il croise un ami musicien à lui qu’il n’avait pas vu depuis un bail. J’assiste aux « qu’est-ce que tu deviens » aux nouvelles de leurs différents albums, aux invitations qu’ils doivent mutuellement se garder de côté, aux nouveaux membres des groupes qui doivent se former et je me sens une nouvelle fois pas à ma place. Je n’hésite pas à rentrer.
A l’intérieur, Aphone m’attend totalement jouasse. Elle a déjà fini son tiramisu au limoncello et a envoyé des textos à tout son répertoire pour commenter pas à pas mes divers exploits qu’elle a légèrement amplifiés. Elle est toute excitée elle nous a vu sortir ensemble du bar elle pense à des choses pas convenables. Elle me dit qu’on a parlé durant au moins vingt-cinq minutes. Je n’ai pas le temps de m’en satisfaire que le Grand Fou entre sur scène.
Certes elle est petite, la scène. Mais avec lui ça n’a aucune importance, puisqu’il est magicien. Aphone me dira qu’il scrutait la salle et regardait davantage dans ma direction, mais c’est encore une mise en exergue. Et puis son ami musicien était assis juste derrière moi. Le concert se termine et je n’ai qu’une envie, courir vers lui m’exclamer « veux-tu chanter avec moi » un peu comme une proposition en mariage. Je n’en ferai rien, évidemment. Non, moi j’ai un parasite qui vient de se loger au creux de ma poitrine et qui creuse comme un forcené un tunnel jusqu’à mon cœur, espérant trouver meilleur endroit pour vivre. Je ne parle plus. J’ai l’impression d’être pâle, et je ne me sens pas bien. J’espère ne pas avoir contracté la maladie d’amour si facilement, parce qu’alors ça voudrait dire que mes défenses immunitaires sont vraiment minables. J’ai du mal à respirer, encore plus qu’avant. Je prends la bouteille d’eau vide et la ramène au bar pour une énième tournée et dans l’empressement de la foule en train de me faufiler je pose ma main sur la rambarde elle-même déjà prise par la main d’un autre. Ce Grand Fou, juste derrière moi.
Je n’ose pas me retourner.
Ca doit bien faire dix minutes que je me ressers sans arrêt le verre. Et à force de m’enfiler paniquée des litres d’eau plate je commence à avoir des envies de presser ma vessie quelque part. Je me lève d’un pas décidé à aller me soulager d’un poids c’est là que je l’aperçois hisser sa tête hors du moulons chercher du regard dans l’urgence, son viseur tombe sur moi et dès lors ses yeux s’écarquillent, comme s’ils m’avaient trouvée. Bien sûr mon geste avait déjà préalablement été programmé pour ouvrir cette foutue porte des chiottes et quand nos instants se sont croisés j’ai vu le visage surpris du Grand Fou se décomposer en même temps que ses pupilles s‘affoler lorsque j‘ai monté les marches des water closet. Je pense alors que ce n’est pas Grand Fou, mais Grand Timide que j’aurais dû le nommer.
Aphone me racontera qu’une fois entrée aux toilettes, il avait l’air un peu con. Qu’il est resté quelques secondes à pas savoir quelle attitude adopter pour finalement faire marche arrière aller enrouler le fil de son micro. Palpitant, n’est-ce pas. Et ce n’est encore et toujours qu’une question de timing d’ouverture de porte.
Car quand je libère le fameux trône, il n’est plus là. C’est une autre nana qui l’a embarqué au bar et qui ne le lâche plus. Et entre nous, elle a bien raison.
Je retourne m'asseoir auprès d'Aphone et outre des vieux relents de fromages j'ai le dégout qui s'immisce en mes papilles et les prémices d'une sensation d'inachevé. C'est bientôt l'heure du dernier métro il ne s'est toujours pas décollé d'elle. Je l'observe pourtant régulièrement jeter des coups d'oeil ailleurs et un jeu de renvoi du regard à travers les miroirs. Mais ce n'est pas suffisant dans la vitesse de progression. Et puis on doit filer. Je me lève de mon siège et commence à regrouper mes affaires, dans la glace son reflet fait signe avec son pouce à la nana qu'il doit s'en aller dans ma direction. C'est ballot, il choisit juste maintenant que j'ai ma doudoune à la main. Le Grand Fou arrive, plutôt réservé et pas confiant du tout et fais un genre de oooh d'exclamation face à toute la peuplade qui était restée cachée dans l’angle mort du miroir. Une table de 8 personnes à nos côtés dont son pote musicien. Il leur demande s'ils viennent d'arriver, non mais quelle question, et prend une chaise se poser en retrait pile entre les deux tablées, comme si Aphone et moi appartenions à la conversation. Puis il ne dit plus rien. Se contente de répondre aux questions des autres, assez minimaliste dans ses mots. Je me rassieds sur la banquette trente secondes un chouya déstabilisée. Puis prends mon courage à deux mains pour fuir sans lui dire au revoir.
Commentaires :
Re:
Et puis j'ai toujours l'impression que mon amour déborde de mon être et qu'on lit en moi comme un livre ouvert. Quand je suis heureuse, triste, amoureuse, j'ai le sentiment de ne pas pouvoir me cacher. Mais je crois qu'en réalité je feins très bien. On me dit que je suis mystérieuse. J'ai pourtant en moi la conviction qu'il suffit de m'observer pour comprendre mes émois. Mais. Apparemment non, hein.
Ca me dépasse un peu, ce que les gens perçoivent de moi. C'est à chaque fois différent.
aphone