Ecrit le 05.06.11 à 02h10
J’aurai bientôt terminé d’enregistrer ses chansons, et un nombre incalculable d’heures passées sur cet ordinateur à remettre de l’ordre dans ma voix. Si tout se passe correctement, dimanche je serai en mesure de les lui envoyer. Mes versions. Mon cœur dans ses textes.

Peut-être qu’il ne les écoutera pas. Peut-être qu’il y tendra vaguement l’oreille et que rien ne retiendra son attention. Qu’en une fois, il aura tout balayé. Les semaines de travail. Mais c’est le jeu. Je ne lui ai rien demandé. C’est un don, un geste gratuit, même s’il n’est pas désintéressé. Je palpite. J’ai l’impression de lui faire ma déclaration. De toute façon, quand il va se rendre compte de la montagne de matière que je lui lègue, s’il s’en rend compte, je ne vois pas comment il pourrait douter du fait qu’il est quelqu’un d’unique à mes yeux.
De ma tendresse, aussi.

Mais ça va mieux.

Le cours des choses s’est écoulé, les hommes ont défilé appuyant sur le bouton accéléré de ma vie et il ne reste déjà plus que deux semaines. La dernière fois c’était le premier avril et ça avait le goût d’une blague aussi grosse que le Père Noël. Tellement agréable qu’on se convaincrait d’y croire encore un peu, que ce sont tous ces autres qui ont tort parce que le rêve est juste merveilleux. Qu’on se sentait confortable dans toute cette niaiserie rose bonbon chocolat paillette. M’enfin. On en est là aujourd’hui. Deux semaines. Deux semaines et je ferai la bise à Grand Fou et j’en serai tellement bouleversée que devant mon assiette garnie j’en perdrai l’appétit. Oui, je commence à être habituée à ce cadre là de figure. Mais le lieu m’est désormais familier. Ce n’est plus le même contexte. Ce truc de l’imprévu, de la fille débarquée de nulle part qui ne connait personne. A présent les employés sont mes acolytes de jeu et je fais la fermeture avec eux. Ah… Ils m’ont manqué. J’ai si hâte de tous les retrouver.

Alors ce n’est pas si grave. Je pense. Sauf que je me dis ça à chaque foutue fois qui précède la rencontre. Ce n’est pas si grave et boum l’émoi qui me percute la tronche, qui me rappelle à quel point un direct du droit en amour peut bousculer les on-dit, les phrases préfabriquées, l’habitude. La confiance. A la place, je n’ai juste qu’à annoncer que je ne sais quoi en penser. Et ce sera déjà plus honnête. Il suffit d’attendre. Dix sept jours pour être exacte. Et au bout du décompte se trouvera ma réponse, se trouvera son visage, ses mots, ses bégaiements, une bonne soirée, ou non, ou si, et des pas l’un vers l’autre, ou non, ou si, et pourvu que le temps ne s’empresse, mais qu’il allonge les instants, jusqu’à plus d’heure, fermer le bar ensemble, marcher un bout de chemin et ne pas se quitter, ne pas se dire au revoir mais à demain, à tout de suite, ne pars pas maintenant, reste encore un peu, faire l’insensé, envoyer chier la réserve et oser vivre.

D’ici là j’ai ses mots sur ma voix, ne me manque plus que le courage de les lui faire partager.