Ecrit le 28.02.12 à 18h20
Ce matin en rangeant l’appartement j’ai découvert le pot-aux-roses : j’ai oublié de lui rendre son tee-shirt. Il traine en boule sur ma chauffeuse, s’était fait tellement petit pour pas prendre de place et déjà cinq jours qu’il se dissimule. Je ne voulais pas trouver de prétextes. D’excuses pour le revoir. Mais j’ai son tee-shirt dans ma maison qui me fait des clins d’œil outranciers et j’m’en fous, j’ai pas pris son numéro de téléphone.
…
…j’ai pas pris son numéro de téléphone.
C’est mieux comme ça hein. Même si je me contorsionne l’esprit pour ne pas trop y penser. Avec la force des jours qui se succèdent je suis persuadée n’en avoir que pour quelques semaines, voire moins. J’ai pris l’habitude de tirer un trait rapide lorsque c’est encore à la surface, aux prémices. Alors ce n’est qu’une question de temps un peu maussade.
D’ailleurs, je ne me rappelle déjà plus son visage. Juste sa présence, qui recouvrait mon dos, son corps chaud et mes doigts gelés, ses yeux dans l’obscurité qui me bouffaient, à petit feu, il était si distant que je n’ai pas compris ses ironies, et ses sauts dans le vide « je suis excité comme une pile » j’ai cru qu’il parlait de sommeil, comme précédemment, qu’il n’arrivait pas à dormir à cause du café, que sais-je, pas à cause de moi. Avec ces élans empathiques je sais plus ce qui n’appartient qu’à moi, je ressentais un profond désir pour lui, je voulais qu’il pose ses mains sur moi, je le voulais très fort, j’avais tout mon être qui tentait de sortir de mon corps pour se rapprocher encore un peu, jusqu’à son torse, frénétique, mais je n’avais pas le retour de sensation, je n’avais pas ce truc qui bouillonne chez l’autre et qui me pousse à faire un pas, en face de moi, se posait une grande contenance, une convenance, même si je le sentais hésitant et un peu perdu, je le sentais surtout pas près à bouger de sa place. Mais peut-être que ce désir qui m’habitait était aussi le sien, était un résidu d’énergie commune, je n’ai pas su saisir la différence alors quand il a vers les sept heures du matin déclaré qu’il était « excité comme une pile » j’ai cru qu’il n’avait pas sommeil, voulait qu’on sorte voir le lever du soleil, mettre à profit l’idée qu’on avait émise un peu plus tôt, après tout, il n’avait rien fait, pas bougé lors du film, pas un seul coude qui se touche, il n’avait pas bougé lorsqu’on a parlé d’amour, et de relations, et de corps, et de plaisir, pas laissé un indice, juste un sentiment cordial et à la fois intime, mais toujours à sa place.
J’aime me sentir soulevée par un homme.
Alors, lorsqu’il m’a portée sur ses épaules, ses mains le long de mes hanches qui me retenaient avec conviction, j’avais déjà envie de l’embrasser. Il a les paumes immenses, généreuses, usées par la matière. Et l’intelligence du toucher. Dans cette salle obscure, les basses qui remontaient jusqu’à nos poitrines nous avons commencé à faire danser les corps ensemble, à tourner, s’emmêler frénétiques sur la transe d’une pulse électronique. Tourner, tourner, s’entrechoquer parfois, mes doigts rentraient dans son visage et nous avons fini l’un sur l’autre, dans les bras, les silhouettes immobiles mais la tête qui tournait encore de tant d’effluves magnétiques. Il m’a serrée fort. Comme si c’était important. Puis nous avons recommencé à nous mouvoir sans demi-mesure. Avec désir. Je sentais mes pieds décoller du sol à plusieurs reprises, virevolter sur une seule de ses mains, si solide, sensuelle, la manière de me coller à lui dans les airs, l’étreinte puissante et si douce en même temps, comme lui. J’ai frémi. Depuis longtemps, j’avais attendu de recroiser le fer avec un danseur. Il était là.
Commentaires :
Re:
Les danseurs ont compris comment travailler le corps. Par le corps.
Il y a cette nuance subtile qui fait que rien n'est jamais vraiment pareil dans un échange sensitif et c'est une vraie richesse.
Pourquoi as-tu l'impression de comprendre de travers?
Merci pour tes mots mawinette!
stupidchick
OUI c'est exactement ça! Les danseurs, les gens qui travaillent la matière, c'est exactement ça. Et pas facile à rendre en mots. Surtout avec autant de fraîcheur et de légèreté (parfois j'ai l'impression que c'est moi qui interprète de travers.)
ah j'aime beaucoup, très très beaucoup! (applaudit comme une otarie devant son écran)