Ecrit le 13.04.11 à 02h05 [1ere partie - 2e partie - 3e partie]
Des airs d’Ur$*le trottent en ma tête et je fais la grimace, engueule Grand Fou prétextant qu’il aurait pu choisir une autre chanson pour rappel, un truc un peu mieux que ce vieil air pourri il me dit « m’en fous d’abord! », comme un enfant malpoli et il marche en baissant les yeux. Il nous raconte comment il a rencontré tous ses acolytes, comment il a dû canaliser ces sacrés caractères, il nous décrit les défauts des uns et les qualités ridicules des autres en s’amusant des anecdotes, des petits détails, et des récits burlesques, tellement burlesques qu’on se demande sincèrement s’il ne nous mène pas en bateau pour le premier avril. Sinon, c’est qu’il a vraiment confiance. Et sans en prendre conscience, la demi-heure s’est évaporée à l’écouter s’enthousiasmer de tous ces gens sans réel temps de pause on s’est tous les trois retrouvés là, à l’angle d’un carrefour, à s’entendre déclarer :
- « Bon ben voilà, mon hôtel est juste là…. »
Sans s’être rendu compte qu’on l’avait suivi, encore moins tout ce chemin, nous qui voulions prendre un taxi, lui qui aimait marcher en solitaire, je suis étonnée qu’il se paye le luxe de l’hôtel, il me répond que les autres jours il a dormi chez des amis, que c’est juste pour ce soir, parce qu’il voulait rentrer à l’heure qui lui plaisait sans déranger personne et non je n’y verrai pas de message caché.

Grand Fou se questionne à haute voix à savoir ce qui serait ouvert de pas trop dégueulasse dans le coin pour casser vite fait une croûte avant de se coucher, il zieute les alentours une voiture le klaxonne il leur fait signe de la main on s’intrigue :
- « Les gens dans la voiture, tu les connais? Ou tu fais juste coucou au premier inconnu qui te klaxonne? »
- « Oui, oui, c’était mon fan-club. »
- « Ton fan-club? »
- « Ils sont deux. C’est une histoire rigolote. Il faudra que je vous la raconte, la prochaine fois. »
- « Hein? La prochaine fois? »
- « C’est qu’elle est longue. Hey, c’est pas un kebab l’enseigne bleue, là-bas? »
- « Si….mais à l’odeur, je tenterais pas l‘expérience. »
- « Mouais… »
- « … »
- « Bon, je vous la raconte! »
- « A ce moment là, autant aller s’assoir dans un bar, on sera plus à l‘aise…. » (oui, il arrive à Jean-Pierre de prendre part à la conversation, de temps en temps)
- « Va pour le bar alors. »

Il avait répondu avec si peu d’hésitation, qu’on pouvait se demander s’il n’attendait pas qu’on lui propose. Nos pas se freinent devant le premier bistrot d’ouvert et, décidemment, j’en ai pourtant pas écumé des masses mais celui-là, j’y étais déjà entrée pour une nuit plutôt spéciale elle aussi. J’étais évidemment la moins parisienne de tous mais la seule à le connaître. Un peu comme la salle de concert de ce soir où le hasard avait voulu qu’il y a un an lors d’un déplacement Jouebien à flâner dans la ville j’avais été attirée par cet endroit, et avait insisté auprès de Blues pour y entrer. A l’époque s’y tenait une expo de Ledroit, un dessinateur que j’appréciais et déjà à cette époque, il n’y avait pas de coïncidence.

On choisit la table la plus intimiste dans un recoin isolé, pour pallier au bruit et à l’agitation incroyable du lieu, je m’assois dans le coin Grand Fou s’attribue la chaise d’en face et continue ses histoires rigolotes. Le serveur vient prendre la commande, je sais qu’ils servent encore à manger ici alors je demande la carte, délicate attention envers mon estomac vide depuis trop longtemps délaissé et puis aussi parce qu’à la base c’est bien Grand Fou qui cherchait matière à ingurgiter, il me semble. Je zieute l’encart des desserts qui je trouve est un bon compromis entre rien et un festin. Puis, après que les boissons aient été décidées :
- « Il vous reste des mousses au chocolat? »
- « Il ne nous reste plus qu’une tarte à l’abricot, ou crème brulée… »
- « Hmmm…bah une tarte à l’abricot alors. »
- « Et une deuxième pour moi aussi s’il vous plait. »
Vient s’insérer la timide voix de Grand Fou au milieu du choix. Je savais bien qu’il avait faim.

- « On n’a plus qu’une seule tarte, désolé. »

Et là je vois sa mine se déconfire sur place et tout son être regretter d’avoir pris la parole oser une folie gustative alors je ne peux m’empêcher de rajouter avant que le serveur ne fasse demi-tour pour s‘occuper d‘une autre tablée :
- « Eh bien une tarte à l’abricot et une crème brûlée alors, on va faire comme ça. »
Cette intervention n’avait rien d’extraordinaire en soi.
Mais il m’a regardée avec des yeux plein de pétillements et de reconnaissance son grand sourire de timide raté fixé à ses lèvres et a pris une longue expiration avant de s’exclamer avec intériorité :
- « Mais tu es une fille géniale! »
J’en ai été si retournée sur le coup que j’ai failli en perdre l’appétit.


[à suivre...]