Ecrit le 03.05.05 à 23h30

Je l'ai toujours appelé mon Ex avec une majuscule.
Sûrement parce qu'il a été le premier et le seul.

Sans doutes parce que je l'ai aimé. Très fort. De toutes les manières inimaginables.
Ca a été très dur car du jour au lendemain, je ne l'ai plus compris. Moi qui le connaissais pas cœur.
Son cœur, qu'il avait meurtri, pour je ne sais quelles véritables raisons…

"Mon Ex", comme surnom, a encore gardé cette connotation affectueuse, tel "ma caille", "mon poussin", "mon chéri".....à l'avenir, je tacherai d'être plus objective en le prénommant "Ex", tout court, comme un prénom normal.

Cette nuit, j'avais rêvé de lui. Bizarrement, c'est comme si mon inconscient l'avait substitué à Maro. Je ne songe plus à ce dernier parce que Ex a pris sa place. Et Rooky dans tout ça? Pfff....mon cerveau s'ennuie à imaginer des trucs probables, il préfère les histoires compliquées.
C'est pour cette raison que j'ai rêvé de lui.

 Il me dépassait de trois têtes, mes yeux le reluquaient de haut en bas : "je ne te pensais pas aussi grand...." avais-je déclaré. Puis l'on marchait, dans la nuit noire. Dans le sens inverse de cette rue qui nous menait à notre lycée. On marchait tous les deux, on parlait peu. Je me suis approchée, l'ai timidement pris par le bras, l'ai enroulé du mien. Je me suis alors agrippée à celui-ci très fort, parce que je ne voulais plus jamais qu'il m'échappe. Et me suis contentée de marcher près de lui, en silence, collée contre ce bras qui ne m'avait pas repoussé...

Voilà.....et depuis, j'y repense. C'est fou comme mes rêves nocturnes peuvent avoir une forte influence quant à mon mode de jugement sentimental.... Ma façon de voir les gens et la vie peut être du jour au lendemain, bouleversée par un rêve incongru à caractère réel. C'est  à double tranchant, à la limite du dangereux.

Car, dès le lever du jour, je repensais à Ex, et me rappelais les instants authentiques. Et l'amour.
A l'époque où il m'avait dit un soir comme les autres :

" Ca y est, j'en suis sûr, je n'ai plus aucuns doutes."

…et m'avait inscrit sur la courbe de ma main :

2 1'4

Un jeu de gosse, un truc à lui.
Remplacez les chiffres par le nombre de lettres dans chaque mot. Vous comprendrez.

2 1'4
Quelle façon saugrenue d'exprimer ce que l'on éprouve pour quelqu'un. Comme si l'amour était un calcul mathématique. Ou un problème. Ou alors, une équation.
C'était peut être comme ça qu'il le ressentait.....
....ressent-il toujours? Bonne question...

J'ai eu, depuis tout ce temps, envie de la lui poser, incessamment. Agrémenté de divers pourquoi et comment. Mais il me faisait la guerre. A moi et à moi seule. De toutes ses relations, j'avais eu le privilège d'être celle qui se terminait mal. Plutôt balaud, pour des personnes qui se côtoient tous les jours dans la même classe depuis bientôt 3 ans. J'en ai souffert, énormément. Surtout que je ne pensais qu'à lui, encore et encore. Mais ne vous méprenez pas, je ne souffrais pas des crasses et autres brimades qu'il dirigeait contre ma personne, je souffrais qu'il m'en veuille. Ses regards me rendaient malade, je sentais parfois qu'il se forçait, je sentais de l'amour dans sa haine, de la douleur dans ses reproches. Et je ne comprenais pas comment c'en était arrivé là. Parce que moi, je n'espérais que son bonheur.
Et que sa rancune inexpliquée contre ma personne me démoralisait au plus haut point. Il n'était pas heureux....et ce, par ma faute.
Pourquoi cela s'est-il terminé, et de quelle manière?
Je n'en sais pas grand chose.

Les vacances d'été laissaient place à la rentrée scolaire, et il emménageait avec une autre. Et il me détestait. J'avais brisé son petit cœur, insinuait-il à tout le monde.

Mais qui est ce qui a vraiment le cœur brisé ? Qui est la victime ? Qui souffre le plus ?
Est ce que l'un de nous a déjà cessé d'aimer l'autre ?

Vous imaginez?
Un an de bonheur, deux années de haine, d'amour étouffé dans la rage.


Minouch était, il y a trois ans de cela, mon amie fille la plus proche. Elle connaissait tout de ma vie, de mes idéaux, et mes faiblesses aussi. Et pourtant, elle a préféré la version de Ex, et son aversion....jusqu'à en devenir sa confidente intime. Il avait réussi à faire croire à la planète entière qu'il était le petit agneau égaré. Et moi le grand méchant loup. Heureusement que Ray était présent à mes côtés, heureusement...

Minouch s'est récemment rapprochée de moi, son ex-copine. La fin de l'année arrive à grand pas, le printemps est propice aux réconciliations. Alors on a parlé. D'elle et Dave. D'Ex et moi. Je lui ai enfin raconté ma version des faits, elle n'y voyait plus très clair, elle a voulu lire les lettres qu'il m'avait écrite avec ses tripes. Elle n'y revenais pas. Ca débordait de sincérité et de tendresse. En totale opposition de ce qu'il lui avait raconté à mon sujet. Il lui avait affirmé que de toutes façon, nous deux, c'était pas du sérieux, que ça l'avait jamais été, qu'il se foutait de comment cela se déroulait dans le présent.....et qu'il ne m'avait jamais dit qu'il m'aimait.....

Mais…
Dans les lettres que je lui ai fait lire, il y avait des "je t'aime" à chaque page, à toutes les sauces.....et pas qu'écrit qu'en chiffre....

Minouch m'a raconté qu'elle ne pouvait plus prononcer mon nom dans ses phrases....il refusait catégoriquement d'aborder le sujet. Pourtant, je le vois, en classe. Qu'il ne cesse de poser ses yeux sur moi, et de temps en temps, d'affirmer son regard quand je me plonge dans le sien...

Minouch m'a promis qu'elle essayerait de lui en parler. Car en ces temps-ci, cela va anormalement mieux. Il agit avec moi comme il agit avec les autres.....c'est à dire avec courtoisie et humour (et beh....c'était la moindre des choses boudiou). Minouch m'a confié son point de vu :
-"Cela n'engage que moi, ne va pas t'insurger contre mes propos mais....avec ce que tu m'as dit, ce qu'il m'a dit et ce que j'en ai constaté....il semblerait que Ex se barricade de faux semblants pour cacher qu'en fait.....il est fou amoureux de toi....."

Je n'ai rien rajouté. Elle avait résumé en une phrase ma propre déduction.
Une question cependant restait en suspend : "Pourquoi, d'un coup, ce retournement de situation?" Subitement, Ex réagit comme si rien ne s'était passé. Comme si, au final, il avait tourné la page. Ca y est, il m'a oublié, alors....


Ce matin, en cours d'archi, quelqu'un a demandé à haute voix si personne n'avait déjà regardé "Le château dans le ciel" de Miyasaki. Je me suis tournée vers Ex, intentionnellement, je peux me le permettre depuis que la tension est retombée. Il a fait de même, et on s'est fixé, un bref instant. On s'est tu, puis on a repris notre travail. Le château dans le ciel était un des seuls films que l'on avait vu ensemble, à l'époque où l’on faisait tout par deux…

Et cet après midi, alors qu'il avait emprunté ma boite de pastels secs(un miracle qu'il vienne m'adresser la parole!), je fais des allers retours à son bureau pour en grappiller quelques uns, me faufile entre lui debout et le coin du bureau, le frôle légèrement, en profite un peu.
" Arrête de me tourner autour..." s'exclame-t-il sur un ton ironiquement sarcastique.
Drôles de sous-entendu possibles, surtout quand on sait que c'est un gars qui n'agit que de cette manière.

Puis une dernière fois à son bureau pour récupérer mes pastels, il soupire en mimant des "oh non, encore elle", je souris. Et tendrement, lui souffle un :
-"Je sais, je te gêne."
-" Non.....en fait, ça ne me dérange pas..."
Conclu-t-il.
Ne m'a-t-il peut-être pas totalement oublié...