2eme fois.
(à lire avant : 1ere partie, 2nde partie)
J'arrive seule et en retard, je n'ai pu joindre personne, je m'attends à ce qu'ils soient déjà sur place. Mais je n'aurais pas cru vraiment me retrouver sans amis, toute la soirée. Manager était là, quelques minutes, jusqu'à ce que son fiancé arrive et lui saute au coup, pour ne plus la lâcher. Elle qui d'habitude sautillait partout n'a pas dansé à ce deuxième concert. Et puis, Maro manquait à l'appel. Comme il avait l'air un peu patraque la veille, je suis inquiète. Si même lui s’y mets… J'avais vraiment l'impression d'être seule. Je l'étais.

A l'entracte, j'appelle Ray. Alléluia, il décroche. Il a trop mal au genou, il ne peut pas venir. Je compatis avec sa douleur, et lui expose mon problème. Je n'ai nulle part où dormir ce soir. Poubelle est injoignable, visiblement pas rentrée d'Aurillac... et Manager va sûrement partir avec son boyfriend, j'ai pas envie de leur gâcher leur plaisir en m'incrustant avec eux. Ray me propose sa maison, à environ 20 minutes à pieds d'ici, correct comme deal. Bon, le fait est que sortir dans la nuit noire et ses rues mal fréquentées, je me chie dessus. Maman j'ai peur. Ray veut même venir me chercher à la moitié du trajet. Quel amour, ce petit. Je le remercie pour tout, vraiment. Mais je choisirai cette option uniquement si je ne peux pas faire autrement. Il a mal au genou....je ne veux pas le forcer.

Maro fait son retour en deuxième partie de spectacle, le concert reprend, rien à voir avec celui d'hier. Il y a deux fois plus de monde. A croire que les gens ont aimé et sont revenus. Ca pogotte gentiment, alors moi aussi je peux participer. En même temps, pas facile dans une salle si étroite où le coin des tables te rentre dans les jambes. Et puis par la même occasion, ça permet de pouvoir se jeter sur des serial beaux gosses par mégarde, prétextant la bousculade. Je danse, je chante. Je me rends pas compte, je connais toutes les paroles par cœur. Ca craint, ça fait fan. C'est un mauvais plan. Je chante même les parties musicales. Et heureusement que le brouhaha me couvre. Sinon, je casserais les oreilles de tout le monde.

Le show se termine sous une trombe d'applaudissements, je suis contente pour eux, on leur demande un rappel. Puis la foule s'éparpille, je cherche un endroit où me caler, pouh y'a plein de gens qui parlent entre eux, et moi j'ai que mon sac à qui causer. Ca fait peine à voir. On me dit que je suis rayonnante ce soir et que ça s'est vu que j'ai apprécié le concert. Le gars il vient me voir pour me dire ça, il est zarb lui. Je décide de m'asseoir à côté de Manager et son boyfriend Lulu, histoire de faire style que je suis avec des gens moi aussi. Attitude de looseuse en puissance. Puis à force de les regarder discuter, ils m'ont incluse dans la conversation. Ca alors, je retiendrai, pour des futures tentatives d'incruste.
Mais bon, je me sens quand même inutile et ne peut m'empêcher de surveiller l'entrée du bar, au cas où je verrai surgir Poubelle en dernière minute. Sans succès.

Manager s'en va narrer sa vie auprès du groupe de musique à Maro, je me retrouve avec Lulu, et un gros "heuuuuu....". Puis je retourne à mes pensées, guettant la porte.

Le gars lourd(double sens) de la sécu me capte et commence à me gratter l'amitié. Et nianiania, et tu fais quoi après, viens je connais une boite super cool...... Moi, en boite? Mouhaha. C'est ça ouais.
-"Allez viens, y'a que des nazes ici..." me dit-il, avec son assurance qui me donne fortement envie de lui foutre un péchon dans la gueule.
Puis il se retourne et lance à Lulu un :
-"Qu'est ce que t'essaye de faire, là?"
Lulu et son briquet allumé s'est contenté de répondre :

-" Te cramer les poils des aisselles"

Ce qu'il tentait vraiment de réaliser, en plus.
Le gars de la sécu me balance :
-" T'es avec ce type louche, là?"
-" Et ouais...."
Alors dégage.

Ce qu'il n'a pas tardé à faire. Après, avec Lulu, on s'est bien foutu de sa tronche pendant encore 5 bonnes minutes puis on a commencé à sympathiser. Malgré son age avancé, il n'a pas voulu que je le vouvoie. Tu m'étonnes.
"M'sieurs dames on ferme!"
Retentit la voix grave et sensuelle(non....faut pas abuser là) du gérant.
Les gens finissent leur verre et s'éloignent. Manager revient annoncer, comme un air de déjà-vu :

-" Bon, il va falloir monter..."

Monter ces marches derrière cette porte dérobée. Ces escaliers en colimaçon aux carreaux rouges, et traverser cette autre porte. Et voilà, on y est.
Les loges.

Elles m'avaient manqué depuis hier. Je n'étais pas sure de pouvoir un jour y retourner. La pièce est déjà entièrement pleine de tous ces amis venus de Pag exprès pour soutenir Maro et ses acolytes. Ils sont tous très sympathiques à mon goût. Un peu déjantés....comme je les aime.

Lulu m'offre une fleur faite en carte de métro déchirée. "Comme c'est romantiiiiqque!" me moqué-je en la coinçant dans mes cheveux. N'empêche qu'hier, j'avais eu une rose, une vraie. Lulu s'extasie devant le spectacle!
"Ca te va vraiment comme un gant, je suis impressionné!"
"File te regarder dans une glace, tu verras, va!"
Ouais.....j'ai que ça à faire.

Je redescends au bar, la barmaid sert la tournée au groupe pendant que l'un d'entre eux, Beg, lui joue le grand jeu avec sa cithare. Je regarde ses doigts glisser entre les cordes et je m'évade, totalement ailleurs. Qu'est-ce que j'aime la musique. C'est indéniable. Ca s'affirme au fil du temps. Pourtant, j'avais cru être déjà arrivée à un stade passionnel assez élevé de par le passé, une sorte de paroxysme, d'apogée de la mélomanie. Enfin....je veux dire que j'ai toujours été bien atteinte. Hum....
Et pourtant, j'apprécie de plus en plus. De jours en jours. Je ne vois pas le bout de cet amour. Et j'espère pouvoir arriver à aimer de la même manière un homme. A l'infini.

Pendant que Beg décortiquait son répertoire oriental avec la cithare, je me suis tournée vers Manager qui finalement rentrait sans Lulu, lui ai demandé si elle pouvait m'héberger une nouvelle fois chez elle pour la nuit, vu que mes potes m'ont posé un lapin foireux. C'est là que la seule musicienne fille du groupe a demandé l'attention de la salle, pour me féliciter en public de venir pour leurs trois concerts dans la ville. Tout le monde a applaudi, et j'ai pensé que je passais vraiment pour une groupie. Et même qu'elle, cette fille, elle se foutait un peu de ma gueule, que c'était de l'ironie, tout ça, elle avait fait le même speech à mon sujet juste un peu avant, dans les loges. Et là, elle en rajoute encore une couche...
Pourtant, elle me sourit, d'une manière que je crois sincère. Alors de là à déceler le vrai du faux.....je ne lis pas encore dans les pensées d’autrui. Puis elle est partie rejoindre les autres, pour s'amuser à maquiller ses partenaires, à leur faire des yeux félins et sexy.... Aaarrrh (sortez les griffes) :

-" Regarde, ils sont pas beaux comme ça?" me les montre-t-elle.
Je pose les yeux sur l'un. Ouaouh la vache.
-" On dirait que tu lui as cloué les cils sur les paupières tellement ils sont longs et recourbés!" ai-je spontanément réagit.
Je m'approche pour voir le spectacle de plus près. Ca alors, c'est hallucinant des choses pareilles. Si longs, si épais, si denses. Et dire que c'est un homme qui en a hérité. C'est pas du juste.

-" Je suis jalouse."
J'ai pas pu m'en empêcher, j'ai dit ça.

L’homme aux cils incroyablement recourbés a ri, m'a fait l'effet papillon, à cligner à répétition :
-" C'est quoi ton prénom?"
-" Dine."
-" Moi c'est Gemey. Enchanté."
Petite courbette. Sourire. Rendu de petite courbette.

Puis il reste tourné vers moi....zut, il a remarqué que j'existais....
-" Tu la connais d'où, Manager?" engage-t-il la conversation.
-" C'était une ancienne CPE de mon lycée. Et puis je l'ai recroisée à un concert deux ans plus tard. C'était elle qui avait pris en stop mon petit ami de l'époque( Rooky, en l'occurrence, raconté là), le monde est petit, n'est ce pas?"
Et là je me dis, mama mia Dine, à peine tu ouvres la bouche que déjà tu te mets à parler de ton passé amoureux. Si c'est pour lui raconter la vie de tes ex, ferme la vaut mieux.
Mais Gemey n'avait pas l'air plus dérangé que ça par mes propos. Au contraire même.

Je ne sais plus comment on en est venu à parler d'orientation. D'études, de carrière, etc....Mais quand il m'a avoué qu'il était en fac de musicologie, j'ai soupiré. C'était ce que je voulais faire à l’origine. Mais à la place, je me retrouve en stylisme. Me demandez pas pourquoi.
Juste parce qu'on m'avait choisi et que les places se faisaient rares, pour la sûreté de l'enseignement, du matoss et de l'encadrement. Pour avoir un diplôme qui ne mène pas à prof. Et puis, juste parce que j'avais besoin de ce petit bout de papier, en roue de secours, en plan B, au cas où mes projets artistiques tomberaient à l'eau. Après tout, là où je veux être dans le futur, je n'ai besoin d'aucun diplôme. Juste d'un peu de chance, même pas de talent. C'est ce que j'ai raconté à Gemey lorsqu'il m'a demandé pourquoi. Moi j'avais envie de savoir comment ça se passait pour lui à la fac, ce qu'il apprenait, ce qu'il en retenait, si ça lui plaisait....je buvais ses paroles, je m'imaginais faire cela moi aussi, étudier la musique. En plus, il m'a donné envie, à force d'en parler. C'est de sa faute. A lui, Maro, Beg et les autres du groupe. Ils ont tellement l'air de s'éclater...

Gemey aimerait connaître mes goûts musicaux :
-" Tu écoutes quoi comme style?"
-" J'ai pas de style." je réponds.

-" Tu vois par exemple ce que vous jouez, j'écoute pas ça d'habitude, c'est juste que ce que vous faites, ça me plait.
En fait, j'écoute de la bonne musique. Et comme il y a du bon dans tout, j'écoute de tout."
Il a souri et acquiescé de la tête. Il avait l'air totalement subjugué par mes propos. Surtout quand j'ai commencé à avancer ce type de théorie :
-" Tu sais....je crois profondément que toute musique est bonne à prendre du moment qu'elle est faite avec le cœur. La sincérité, c'est vraiment important. Ca transparaît dans le résultat final, et forcément, ça touche le récepteur. Je suis sensible à toutes ces émotions qui s'en dégagent et ce, peu importe si c'est du ska, du métal, de la pop ou du classique. Ca sera toujours de la musique. Non, les styles, c'est plus pour se donner une attitude à adopter, un look."
J'ai vraiment sorti un paquet de mots complètement bateaux et pourtant, plus je parlais, plus il avait les yeux qui pétillaient. C'était comme si dans son regard, je pouvais y lire qu'il attendait depuis longtemps. Que quelqu'un lui sorte des mots comme ceux là. Qu'il en avait rêvé même, un jour. C'est juste que...je ne pensais pas être cette fille....

Puis il riait souvent....à mes blagues, mes petites mimiques. Je n’aurais pas imaginé cela possible. Qu'un homme puisse concevoir mon humour, et apprécier(en option). Du coup, il m'apparaissait encore plus sympathique qu'avant.
On a parlé de différents groupes de musique, il est allé voir Muse à leurs premiers concerts en France et puis, il connaît Nosfell. Il joue de la batterie dans un autre groupe qui commence à avoir pas mal de succès alors qu'il pratique le saxo dans le groupe à Maro. Les gens se rassemblent autour de notre conversation qui, vue de l'extérieur, doit paraître fort intéressante, ma foi.

-"Venez marauds, on sort faire la fête!"

La barmaid veut les emmener dans un petit club privé où on passe de la salsa, de la zik orientale, du Gainsbourg enfin....des trucs sympas quoi. Tout le monde se lève, récupère ses affaires pour partir. Et moi heuuu....je fais quoi? Je ne sais pas vraiment si je suis incluse dans les gens en question. Gemey me fait un geste de la tête, j'hésite à dire s'il veut que je le rejoigne où si c'était un signe d'au revoir. Je sors du bar, au pire je rentrerai chez moi. Mais Beg s'exclame :

-" Allez Dine, on t'embarque avec nous!"
Je regarde ce type, un peu stupéfaite.
-" Allez steuplé viens, on va bien s'amuser tu verras!"

Et en plus je me fais prier, la classe.